On the road again
Nouvelle avant-première au Festival du Film Américain de Deauville 2009, avec « The open road», un film pondu en 2008 par Michael Meredith. Autant la météo d'hier laissait planer un doute sur l'envie de se plonger dans « Shrink », autant celle d'aujourd'hui n'était pas plus tentante que ça et passer quelques heures sous cloche ne posait pas vraiment de problème. Et pardon aux aficionados de Kevin Spacey, mais voir Jeff Brigges dans ses œuvres est certainement plus à mon goût.
Carlton Garett (Justin Timberlake) est un jeune et prometteur joueur de base-ball. Son père, Kyle (Jeff Bridges), est lui-même une ancienne gloire de ce sport, même s'il a depuis peu raccroché ses crampons. De toute façon, Kyle, personnage haut en couleur, n'a plus donné signe de vie depuis plusieurs années. Lorsque Katherine (Mary Steenburgen), la mère de Carlton doit subir une intervention cardiaque, elle refuse de signer l'autorisation d'opérer tant qu'elle n'aura pas revu Kyle, qu'elle missionne Carlton de ramener. Malgré ses préventions face à ce père absent, Carlton accepte mais se fait accompagner de Lucy (Kate Mara), une ancienne petite amie, afin de le soutenir.
S'en suit un road movie qui conduit le trio dans son retour vers Houston, entrecoupé des pitreries de Kyle, des explications entre le père et le fils, de la réconciliation de Carlton et Lucy.
On n'est certes pas dans la description apocalyptique d'une quelconque perversité psychologique. Pas d'orgie sanglante ou de macabre manipulation. Aucun code freudien ou dérivé n'est indispensable au décryptage. On a juste une histoire de famille, une histoire d'hésitation, de peur de l'engagement, d'adolescence inaboutie, de passage à l'âge adulte. Les deux hommes de l'affaire sont comme deux enfants qui mûrissent ensemble face à la réalité de la vie, quittant progressivement l'univers du jeu pour entrer dans celui de la responsabilité, responsabilité non pas subie mais sereinement acceptée. Et sur ce trajet, les femmes sont comme des passeuses. Non qu'elles les dirigent, mais elles leur ouvrent la voie avec une sorte de tranquille assurance.
Qu'ils le comprennent entièrement ou non est finalement secondaire, ils sentent progressivement l'évidence de cette voie ouverte devant eux et qu'elles ont simplement empruntée les premières. Tout tient finalement dans le dialogue entre Carlton et son grand-père, Amon (Harry Dean Stanton), sur les bancs de la salle d'attente du service de chirurgie : - Tu sais, il m'a fallu 82 ans pour me rendre compte de quelque chose. - Qu'est-ce que c'est ? - Je n'en sais rien … - Qu'est-ce que tu racontes ? - Non, ce n'est pas que je ne veux pas te dire, c'est que je ne trouve pas les mots pour le dire.
Tout est dit simplement, en peu de mots, au milieu des mille et unes péripéties d'une vie parfois triste mais le plus souvent porteuse en germes d'un bonheur qui demande juste à être ramassé. La peine n'est pas absente, mais la tendresse non plus, la lâcheté mais aussi le courage de dépasser ses doutes et ses appréhensions. On n'est pas dans de la grande philosophie, on est dans la sensibilité, la tendresse, C'est sans doute naïf, mais c'est frais et joyeux quand il faut.
A ce jeu là, les acteurs se font manifestement plaisir. Il y a bien quelques cabotineries chez Jeff Bridges, mais cela fait tellement partie du personnage de Kyle que c'est à peine si on s'en aperçoit. Justin Timberlake est un peu dans un excès qui, là, a moins sa place, mais pourquoi pas. Les deux femmes sont par ailleurs dans une sobriété plus nuancée qui fait plaisir à voir.
La réalisation est simple, pour ne pas dire dépouillée. Pas de grands effets, de travelling sophistiqué, de plan travaillé. Juste de l'image simple, de la narration claire, un découpage transparent. Bref, une mise en scène au service de l'histoire, pas au service de la performance. Tant pis si au passage Tonton Sylvain y perd ses rares galons de cinéphile, mais ça fait tellement de bien de se rafraîchir l'émotion et les neurones de temps à autre.