Pollini sublime le 4ème de Beethoven

Concert mardi 8 septembre au soir à Pleyel. Au programme, une Composizione per orchestra N°1 de Luigi Nono, la 4ème symphonie en la majeur "Italienne" de Felix Mendelssohn et le 4ème concerto en sol majeur pour piano et orchestre de Ludwig van Beethoven. Les interprètes d'exception pour servir ces oeuvres ne sont autres que Ricardo Chailly, à la tête du Gewandhausorhester de Leipzig et Maurizio Pollini (piano).

D'expérience, l'association d'interprètes d'un tel niveau, sur un répertoire archi-joué, peut donner le meilleur comme le pire.

Ce soir du 8 septembre, le public ne pouvait être déçu, les interprètes ayant été largement à la hauteur de leur réputation.

En guise d'échauffement, les sonorités habituellement chatoyantes et timbrées du légendaire Gewandhausorhester ont dû pour un quart d'heure affronter le monde déstructuré et fantasque de Luigi Nono. L'ironie du sort a fait que lors de la phrase pianissimo d'introduction, où chaque note doit être pesée au milligramme, un portable encore actif dans la salle ait fait surgir la fameuse marche turque de Mozart dans des sonorités digitales. Difficile de ne pas succomber au fou-rire avec ce pied de nez de Wolfgang Amadeus par le truchement d'un opérateur de télécom...

Vient ensuite la fameuse 4ème symphonie de Mendelssohn. Ricardo Chailly emporte alors l'orchestre à une cadence assez élevée, tout en respectant scrupuleusement la dynamique et la pâte sonore propre à cet orchestre. L'attaque du premier mouvement surgit au premier coup de baguette avec un orchestre calé d'une façon sidérante. Cette belle machine ne faiblit pratiquement jamais, à l'exception toutefois surprenante d'un Con moto moderato au tempo étiré et à l'allure un peu paresseuse. Le final est éclatant, et la plénitude sonore, cette belle densité qui contribuent à l'identité de ce magnifique orchestre se révèlent pleinement grâce à l'acoustique phénoménale de la nouvelle salle Pleyel. Ricardo Chailly confirme son immense talent en réussissant, avec une belle alchimie, à associer le caractère soyeux des sonorités, une souplesse indéniable des phrasés et une tension nécessaire de la ligne. Le tout s'accorde admirablement avec l'élégance naturelle de la musique de Mendelssohn.

Le sommet du concert est atteint avec Maurizio Pollini, attrapant le 4ème concerto pour piano et orchestre de Beethoven à bras le corps pour ne jamais le lâcher. Tout au long du concerto, il réussit l'exploit de maintenir un équilibre parfait entre tension et dynamique. Les arpèges du premier mouvement sont d'une limpidité sidérante, les aigües d'une clarté cristalline. On pouvait craindre

une certaine dureté chez ce pianiste, et qui peut être, quelquefois, irritante. Ce n'était absolument pas le cas. Au contraire, avec l'âge, en murissant ce concerto sur près de trente cinq ans (cf. sa première version au disque en 1974 avec Karl Böhm et le Philharmonique de Vienne que j'ai toujours en disque vinyle), il apporte à son jeu une densité extraordinaire, avec une puissance narrative éblouissante. Sa façon de reprendre le dessus sur l'orchestre dans le légendaire et singulier Andante con moto se révèle d'une subtilité extrême et fait qu'il arrive littéralement à suspendre le temps. Ce second mouvement qui, par son caractère quasi métaphysique, me transporte littéralement m'a, sous le jeu résolu et racé de Pollini, vraiment bouleversé. Il a d'ailleurs captivé la salle, plongée dans un silence profond et admiratif. Celui du souffle coupé face à une lecture aussi engagée, intellectuellement comme physiquement.

On peut regretter que malgré plus de cinq rappels de la salle, nous n'ayons pas eu l'honneur de nous voir accorder le moindre bis. On peut appeler cela de l'ingratitude ou de l'arrogance. Vu l'état de fatigue que révélait le pianiste à la fin du concerto, on peut aussi juger superflu afin de ne pas entamer la densité exceptionnelle du moment qu'il venait de vivre et de partager avec un public conquis.

Ce concert s'inscrit dans une série de "performances" de Maurizio Pollini à Pleyel sur la saison 2009 - 2010. Le prochain concert est le 13 octobre 2009.

Lien direct vers la critique de concertclassic.com.

Lien direct vers le post du blog Paris-Broadway sur ce concert.