«Il n’y a pas de raison que les revenus du travail soient soumis à cotisations sociales et que des revenus qui ne sont pas des revenus du travail n’y soient pas soumis», a expliqué Eric Woerth, ministre du budget, dimanche soir. Déclaration largement reprise dans les heures qui ont suivi, et recueillie sans discussion ni contestation par les médias.
Le ministre a-t-il pour autant raison ?
Son affirmation a l’apparence du bon sens.
C’est la logique d’un système, où les cotisations sociales sont presque totalement déconnectées des prestations : il n’y a pas de pas de raison qu’une catégorie de revenus y échappe.
Mais il y a revenu et revenu. Les revenus du capital sont en effet doublement différents des revenus du travail : dans le plus grand nombre des cas, les premiers proviennent d’une épargne constituée préalablement à partir de revenus du travail, qui ont déjà supporté impôts et cotisations sociales.
Soumettre les revenus du capital aux cotisations sociales de droit commun, c’est donc leur faire payer deux fois la note, cela aboutit à faire payer des cotisations sur des cotisations, comme on fait payer de l’impôt sur l’impôt en fiscalisant les revenus du capital…
Tout se passe comme si, après avoir largement fiscalisé les revenus du capital, y compris les plus-values, puis le capital lui-même, avec l’ISF, le gouvernement voulait à la fois généraliser la chose (en supprimant l’exonération de l’appartement principal au titre de l’ISF et en supprimant la franchise à 25 000€ pour les plus-values) et appliquer ensuite à tous ces revenus, « qui ne sont pas des revenus du travail », des cotisations sociales de droit commun.
Prenons le cas d’un ménage moyen. Il épargne pour acheter un appartement ou une maison. En attendant de pouvoir le faire il place ses économies sur un compte épargne ou achète des obligations. Il a payé impôts et cotisations sur ses salaires. Il paiera aussi sur les revenus de ses placements, sur les éventuelles plus-values de ceux-ci, puis sur le patrimoine constitué, puis sur la plus-value s’il y en a une un jour, puis sur la succession quand elle viendra… Non seulement c’est profondément injuste. Payer l’impôt une fois, avant constitution d’une épargne devrait suffire. Mais encore, ça décourage tous les comportements vertueux :
- l’épargne, qu’il convient d’encourager, surtout en ce moment… ;
- la mobilité des personnes, donc des biens, qu’il convient de ne pas freiner ;
- le maintien en France, plutôt qu’à l’étranger, des personnes et des biens qui contribuent concrètement à notre prospérité.
Un pays aussi voisin que la Belgique n’a ni impôt sur les plus-values, ni ISF, donc aucune cotisation sur ces soi-disant « revenus ». L’impôt sur le revenu y est très lourd. Le budget de la Sécurité sociale y est inscrit dans celui de l’Etat. Le niveau des dépenses publiques est à peu près le même que chez nous.
Ce n’est donc pas un « paradis fiscal ». Il n’empêche que les déclarations de M. Woerth va lui permettre de recruter de nouveaux immigrés…
Est-il bien raisonnable de vouloir en même temps lutter contre les paradis fiscaux (comme la Belgique !?) et leurs amener de nouveaux clients « sur un plateau » ? (en l’occurrence le plateau de BFM TV)…