« The Resistance », le nouvel album de Muse, s’impose dès la première écoute comme une œuvre importante. Pas parfaitement réussie, mais importante. Le genre d’albums dont on sait que dans dix ans les critiques rock se battront encore pour savoir si c’était du lard ou du cochon. Le genre d’albums qui va malheureusement décomplexer des dizaines de groupes qui tenteront de suivre la même voie mais n’y arriveront pas à la cheville. Car difficile de rester indifférent face à la démesure de l’ambition du trio britannique. Souvent assimilée à un (sous) concurrent de Radiohead, la bande de Matthew Bellamy s’attaque ici directement à Chopin et consorts à coup de mélodies au piano et de très nombreux arrangements de cordes. C’est dire le changement de catégorie.
Plus qu’au compositeur français dont Muse reprend une nocturne sur le final du morceau « United States of Eurasia », c’est à Queen que l’on pense beaucoup ici. Comme chez le groupe de Freddy Mercury, « The Resistance » abolit les frontières entre musiques savantes et profanes. Le classique côtoie le rock, l’opéra, l’électronique ; le métal, science-fiction ; l’occident, l’orient... Muse ne se soucie même plus du mauvais goût. Le trio est au-delà de ça. Dans l’affirmation totalement décomplexée d’un lyrisme outrancier qui a fait sa marque de fabrique (les auditeurs rétifs aux plaintes du chanteur Matthew Bellamy peuvent passer leur chemin). Le disque se clôt ainsi sur « Exogenesis », une symphonie rock de près de treize minutes réparties sur trois titres et autant de mouvements.
Une musique monstre
Côté musique, les machines jouent un rôle central dans ce devenir monstre de la musique de Muse. Les rythmiques dures et métronomes sont mixées en avant sur une bonne partie des morceaux, la batterie plus traditionnelle intervenant seulement pour accompagner les variations de rythme. Autre nouveauté, piano et synthés ont pris le dessus sur les guitares avec de belles réussites comme la mélodie de « Resistance » ou l’entêtant gimmick d’«Undisclosed Desires » digne du top des productions R’n’B. Mais les amateurs de rock peuvent se rassurer. « The Resistance » contient encore son lot de riffs et autres décharges agressives. Moins omniprésentes, les guitares sont d’ailleurs mieux mises en valeur comme sur l’enchaînement de solos du final démoniaque d’« Unnatural Selection ».
La collision de l’organique et de l’électronique va ici très bien à Muse parce qu’elle sert parfaitement le propos de « The Resistance ». Matthew Bellamy décrit dans ce nouvel album un monde froid et sans cœur où l’humain est écrasé par la peur : « I’m lost, crushed, cold, and confused with no guiding light left inside » (« Guiding Light »). Un monde qui doit être sauvé par la révolte (« Uprising », « Resistance ») et l’amour (« I Belong to you »). Si la mièvrerie de l’univers présenté dans le disque est un peu sa principale limite, elle dénote aussi une volonté affichée chez Muse de se rattacher aux grands mythes universels. Matthew Bellamy reprend même en français une partie de l’opéra « Samson et Dalila » de Camille Saint-Saens sur « I Belong To you ». Pas totalement convaincant, mais reste la bonne nouvelle : Muse n’a décidément plus peur de rien.
KidB
The Uprising
United States of Eurasia :
Unnatural selection :