Elle s'appelait Fawzia Abdallah Youssef. Elle avait 12 ans. Elle est partie trop vite, à l'âge où l'on joue encore à la corde à sauter...
Selon l'Organisation yéménite pour la protection de l'enfance (SEYAJ), cette jeune maman est décédée vendredi d'une hémorragie, dans un hôpital de la province de Hajja (nord de Sanaa, la capitale) alors qu'elle mettait au monde son bébé. L'enfant, mort-né, n'a pas pu être sauvé.
Cette terrible histoire est un nouvel exemple de la tragédie des jeunes épouses de ce pays oublié de la péninsule arabique. Là bas, plus de la moitié des filles sont mariées de force avant d'avoir 18 ans - et bien souvent avant d'atteindre l'âge de la puberté.
D'après Ahmad al-Qourashi, le directeur de SEYAJ, contacté par téléphone, « elle avait été retirée de l'école à l'âge de 11 ans pour être mariée à un homme âgé de 25 ans imposé par sa famille ».
La petite famille vivait dans un village reculé du district d'Al Dhora, dans la province de Hodeyda. Là-bas, il est fréquent que les femmes donnent naissance à leurs enfants à la maison. Après avoir rencontré des difficultés à accoucher, Fawzia fut transportée dans un hôpital de Hajja, dans la province voisine. A son arrivée, disent les témoins, il était déjà presque trop tard pour garantir sa survie...
« C'est une terrible nouvelle », confie, par téléphone, Abdul Rahman Al Rafaee, le chef du conseil municipal d'Al Dhora, qui vient de prendre connaissance de cette histoire. Sensible à la cause des petites filles yéménites, il se bat depuis plusieurs années contre la tradition des mariages forcés, en invitant des ONGs à mener des campagnes de sensibilisation en milieu rural. « En trois ans, nous sommes parvenus à dissuader trois familles de marier leurs filles trop jeunes », se réjouit-il. Mais le cas de la petite Fawzia lui a malheureusement échappé.
Pour Abdul Rahman Al Rafaee, l'illétrisme et le manque d'éducation font également partie du problème. « Dans notre district, à peine un tiers des petites filles vont à l'école. Les pères voient d'un mauvais œil que leurs filles aillent s'asseoir sur les mêmes bancs que les garçons. Du coup, ils préfèrent les garder à la maison », explique-t-il.
J'ai déjà évoqué à plusieurs fois sur ce blog le cas des noces précoces, à travers le récit de Nojoud, mariée à l'âge de 10 ans à un homme de 20 ans son aîné. En avril 2008, elle fut la première à obtenir son divorce, grâce à l'aide de l'avocate Shada Nasser. Une fois passée la surmédiatisation provoquée par son histoire exceptionnelle, elle est aujourd'hui de retour à l'école aux côtés de sa petite sœur Haïfa. Les droits d'auteur du livre, que j'ai co-écrit avec elle, permettent dores et déjà de prendre en charge sa scolarité et, plus tard, ses études. Pendant ce temps, d'autres petites filles s'inspirent timidement de son courage...
Mais des siècles de tradition ne se réforment pas du jour au lendemain. Lueur d'espoir : au Parlement, les députés sont parvenus à voter, en février, une loi fixant l'âge du mariage à 17 ans. « Une demie victoire », relève Ahmed Al-Qourashi. Le nouveau texte législatif n'a, en effet, toujours pas été promulgué par le Président Ali Abdallah Saleh.
« Au-delà de la loi, ce sont les mœurs et les mentalités qui posent problème », confie-t-il.
Selon le Global Gender Gap Report, le Yémen est classé pays le plus sexiste au monde (sur 130 pays).
Crédit photo : Delphine Minoui - Une école de filles à Sanaa