Souvent, des amis me demandent si l’âme chinoise a survécu à la double épreuve de la période révolutionnaire maoïste suivie de la modernisation éffrénée d’aujourd’hui. Il me semble que oui, mais j’ai généralement du mal à donner des exemples. C’est plutôt par de tout petits détails que je prends conscience de cela : une bribe de conversation, un geste particulier, un détail dans la rue.
En voici un exemple :
Hier sur l’autoroute Yanan 延安, ouvrage de béton sur pilotis qui traverse l’immense rive ouest de shanghai (puxi 浦西), j’ai été intrigué par trois roues dorées qui sortaient un peu du commun.
Les voici : on dirait des barres à roues d’un bateau de commerce
En regardant de plus près, on voit des symboles à l’intérieur de ces roues :
Ce sont des 卦 ou gua, c’est à dire des trigrammes ! Trois barres superposées. Une barre longue est yang 阳, une barre sectionnée en son milieu est yin 阴. Ces trigrammes sont à la base de la divination et du Yiking, ce fameux traité antique, développé par Fo Hi, le roi Wen, le duc de Tchéou et Confucius. Ils ont profondément influencé le taoisme.
Trois traits continus (par exemple en haut dans la roue de droite), c’est le ciel, la force, la lumière, le père, le prince…
Sur le Yiking, voir une analyse étymologique et une réflexion sur l’innovation, ou encore l’article “bagua” de wikipedia
Survivant dans le béton moderne et anonyme d’une bordure d’autoroute à Shanghai, ces signes sont toujours là, ils vivent encore et signifient toujours après quelques millénaires.