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Présenté en avant-première au Festival du Film Américain de Deauville 2009, « District 9 » prend sur lui la section Science-fiction / Fantastique / Anticipation de la sélection. L'année dernière on avait eu « Hellboy », dans un autre genre, par un réalisateur mexicain. Cette année, c'est à un sud-africain, Neill Blomkamp, qu'on a confié la mission. Et pour faire bonne mesure, c'est Peter Jackson qui s'est collé à la production, « Le seigneur des Anneaux » constituant une bonne carte de visite devant l'audience du genre.
Wikus Van der Merwe (Sharlto Copley) est un petit employé de la société MNU qui a pour lui d'être marié à Tania (Ron Livingston), la fille du patron. Il se voit confier la tâche de gérer le transfert de toute la population d'extraterrestres que Johannesburg abrite depuis que leur vaisseau s'est immobilisé, vingt ans plus tôt, au-dessus de la ville et que, affamés et malades, ils y ont été recueillis pour raisons humanitaires. Malheureusement, passé le moment de la surprise du premier contact, les nouveaux arrivants ont vite été ressentis comme une charge par la population. Ils ont été parqués dans un camp de fortune rapidement devenu permanent et transformé avec le temps en bidonville, le District 9, cerné de murs, de grillages et de barbelés, et tenu par une bande de bandits Nigérians.
La MNU a à l'époque été chargée du transfert à l'humanité de la technologie extra-terrestre découverte sur le vaisseau, entreprise ayant finalement échoué lorsqu'on eut compris qu'elle ne fonctionnait que sous reconnaissance de l'ADN de son utilisateur. Devant cet échec, donc devant l'inutilité des réfugiés, et le rejet de la population, la ségrégation des extraterrestres est devenue une évidence, jusqu'à leur expulsion programmée vers un camp éloigné de la ville. Et c'est justement la tâche confiée à Wikus que d'assurer la vitrine légale de l'opération, épaulée par la force armée de la MNU commandée par Koobus (David James) chargée, elle, du plan plus contraignant et brutal de l'opération.
Lors de sa visite au District 9, Wikus rencontre un extraterrestre qui lui paraît vite différent de ses congénères, Christopher Johnson (Jason Cope), vivant avec son fils dans une cabane bourrée de matériel informatique de récupération. Perquisitionnant la cabane, il s'asperge le bras accidentellement d'un liquide suspect qui lui fait saisir le récipient pour analyse au laboratoire de la MNU.A l'issue de cette journée, Wikus ne tarde pas à ressentir d'étranges symptômes, amorce d'une transformation physique qui va le muer en paria pourchassé par la MNU et en allié objectif de Johnson.
Le film est à l'évidence une allégorie de l'immigration et, dans un contexte sud-africain, de la problématique du « développement séparé » de communautés ethniques différentes, ou apartheid qui a fait les heures sombres de l'Afrique du Sud. Le refus de l'intégration, l'exclusion, dont les deux faces du double visage fait de réglementation ou de répression brutale sont incarnées par le naïf Wikus ou le retors Koobus, forment l'arrière-plan permanent de l'histoire. On aborde les aspects de la propagande, de toutes les petites ou les grandes lâchetés du quotidien, bref de tout ce qui conduit et fait vivre une barbarie subreptice avant d'être au grand jour : déni, déshumanisation, respect du règlement, univers concentrationnaire, expérimentation médicale dévoyée, …
L'impression de réalisme, malgré la présence de personnages d'extra-terrestres particulièrement repoussants, est recherchée par le parti pris narratif en forme de reportage, mêlant des scènes scénarisées à de véritables images d'archives, et à des interventions tirées d'interviews dans la rue, façon radiotrottoir, détournées en modifiant simplement le contexte dans lequel elles ont été réellement enregistrées. La forme reportage est maintenue tout au long du film, avec une réalisation plus proche du reportage de journal télévisé que de fiction classique. Les images sont parfois sales, découpées, sautant à la manière des reportages en zone de troubles, caméra à l'épaule, dans une fausse continuité multipliant les plans d'une même scène. Les hors champs, les approximations volontaires de cadrage se succèdent, de même que le montage est saccadé, comme dans l'urgence.
On est bien dans un film d'aventure qui se présente comme un document d'actualité, aux clés le plus souvent transparentes, mais parfois obscures. Que vient faire par exemple cette bande de Nigérians dans l'histoire ? On y voit bien quelques codes, depuis la métaphore de l'assimilation sociale en une véritable assimilation digestive. On imagine l'allusion à une oralité, tant de parole que d'alimentation, comme symétrique de la société sud-africaine attachée à l'écrit, et dans laquelle l'approche de l'assimilation est l'occasion de vomissements, un des premiers symptômes de Wikus après sa contamination. Est-ce pour montrer les difficultés de l'intégration dans les deux types de contexte ? Que le chef du gang de Nigérians le dirige depuis sa chaise roulante, il y a manifestement une tentative de second degré, mais de quoi ? Quel est le sens de cette promesse par Johnson de son retour « dans trois ans » pour revenir aider Wikus, avant son évasion vers le vaisseau mère puis vers sa propre planète ? D'autant que la promesse ne sera manifestement pas tenue, mention étant faîte en fin de film d'un camp extraterrestre contenant une population triple de celle mentionnée durant la période filmée. On doute qu'il s'agisse simplement de souligner le caractère pessimiste de la morale de l'histoire. Peut-être pour exprimer l'absence d'autre solution imaginable que de trouver un terrain d'entente entre les différentes populations. Peut-être par une sorte d'assimilation inversée, à la manière de Wikus devenant progressivement littéralement un membre de la population d'extraterrestres.
Au bout du compte, si le film est une belle tentative de révolte contre une plaie qui a minée pendant une longue période le quotidien de l'Afrique du Sud, s'il cherche à le dépasser pour en faire un problème partagé par de nombreux pays, il reste malgré tout alourdi par sa présentation et par une certaine obscurité.