99,99%

Publié le 14 septembre 2009 par Pierre Gonzva
99,99% des gens ne comprennent rien aux problèmes du système bancaire ni aux éventuelles solutions possibles pour y remédier.
Et je dois humblement reconnaître que je ne pense pas faire partie du 0,01% composant le cercle des savants. Cela étant, je m'abstiens de joindre ma voix aux clameurs des bruyants liberticides qui estiment que la solution aux problèmes passe par l'interdiction de, pêle-mêle : les bonus, les hedge funds, les paradis fiscaux, les ventes à découvert, les produits dérivés, la titrisation, voire la spéculation ! Craignons que ces histrions ne sollicitent Poutine, afin que celui-ci leur loue les sibériens camps de rééducation à régime sévère, où les récalcitrants aux programmes de moralisation de la finance seraient expédiés pour retrouver le droit chemin.
Mais quittons les steppes glacées de l'orient russe, et revenons à nos banques occidentales et à leur incertaine régulation.
Faut-il modifier les règles prudentielles, jeter à bas les modèles internes de Bâle II, renforcer les fonds propres, pour toutes les banques ou pour celles d'importance systémique seulement, obliger à constituer des coussins de provisions en période de vaches grasses, réintroduire un ratio de levier maximum, remettre en vigueur le Glass-Steagall Act afin de séparer les banques commerciales d'avec les banques d'investissement, boucher les trous de régulation, créer une instance de supervision internationale ? Toutes les idées sont sur la table, et quand on lit les multiples contributions et les solutions divergentes proposées, il est clair qu'on est dans le temps de la réflexion, et que celui-ci ne doit pas être escamoté.
Quelques idées simples à garder en tête.
- Lorsque les actifs d'une banque perdent 30 à 50% de leur valeur, il n'y aura jamais assez de fonds propres en face pour éviter la ruine, car les ratios de capital, et c'est heureux, ne seront jamais fixés à ce niveau. C'est heureux car avant qu'une banque puisse lever suffisament de fonds propres pour en avoir 50%, elle commencera par réduire très fortement la taille de son actif, donc des prêts accordés, au détriment de l'activité économique. Le problème est à l'actif avant d'être au passif.
- Néanmoins, les banques ont besoin de renforcer leurs fonds propres. Pour faire venir de nouveaux actionnaires en promettant une rentabilité structurellement plus faible qu'à la belle époque 2005-2007, il conviendra soit de démontrer que le risque est notoirement plus faible, soit de baisser le prix d'émission des titres. On a coutume de mettre en avant les énormes profits réalisés par les banques ces dernières années. Ce que l'on oublie de rappeler, c'est que les marchés valorisaient ces profits assez faiblement, en terme de PER par exemple, ce qui signifie que leur pérennité ne paraissait pas évidente, alors que le risque qui y était attaché était perçu comme bien présent. Heureusement que les actionnaires sortaient en dividendes une bonne part de ces bénéfices : ils avaient bien compris qu'a contrario, laisser des fonds propres supplémentaires à disposition n'aurait conduit qu'à augmenter le risque.
- Quoiqu'on en pense, le marché sait très bien se discipliner lui-même. Je n'ai pas vu ces derniers temps fleurir beaucoup de titrisations de crédits subprime, notés AAA, et logés dans des conduits hors bilan se refinançant à court terme en émettant des ABCP. Autre exemple, si la rentabilité des fonds propres bancaires est amenée à baisser structurellement, les bonus distribués suivront le même chemin, selon l'équilibre des forces en présence dont j'ai parlé dans mon post précédent. Nul besoin d'instaurer des limites maximum, qui risqueraient d'agir comme des points d'attraction.
Dernier point, on n'échappera pas à une remise en cause des systèmes de gestion des risques, ceux-ci se trouvant au coeur de la banque. Jusqu'où aller sur ce terrain, et en particulier faut-il aussi remettre en question les modèles d'évaluation qui en sont le soubassement théorique? Bien malin qui peut à ce stade y répondre.
Pour ma part, je souhaite que le prochain G20 ne cède pas à la tentation d'afficher des compromis boiteux ou d'exhiber à toute force des résultats pour satisfaire l'opinion publique. Il serait plus sage de dire : réfléchissons, travaillons, prenons le temps qu'il faut.