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Disiz not the end, ou quand la mauvaise foi règne en maître sur le plateau de Ruquier...
Publié le 14 septembre 2009 par MysoulblogAvant toute chose, il est utile de préciser les raisons qui m'ont poussée à prendre la plume sur un sujet qui a déjà fait couler beaucoup d'encre du côté des aficionados du rappeur français Disiz La Peste. Il est environ minuit moins le quart ce samedi soir quand je zappe sur France 2, histoire de vérifier ce qu'il se passe sur le plateau du talk show de Laurent Ruquier. Lady Gaga, que l'on a rarement l'occasion de voir sur le petit écran français, était annoncée parmi les invités du soir, ce qui a attisé ma curiosité. Mais au moment où je décidais de suivre le million de téléspectateurs et des brouettes branchés sur le rendez-vous hebdo de France 2, point de Lady Gaga sur le fameux fauteuil central, ni même ailleurs... C'est l'écrivain Yann Moix, auteur d'un livre inspiré par Michael Jackson, à la légitimité plus que douteuse étant donné son manque évident de connaissance sur le sujet, qui défend donc son œuvre face aux inbuvables Eric... A leur côté, je reconnais le romancier/cinéaste Samuel Benchetrit, mais surtout, surtout, Disiz La Peste, tiens donc. Le rappeur vient faire la promotion de son premier roman et soudain, une réflexion (qui va être essentielle pour appréhender la suite de cet article) me traverse l'esprit.
Je me dis, à cet instant précis, que l'émission, qui s'étire sur plus de trois heures, ne me permettra pas d'en savoir plus sur Disiz et son livre, étant persuadée qu'il sera, comme la totalité des représentants de la culture dite "urbaine" qui l'ont précédé sur ce plateau, relégué en toute fin d'émission tel un paria qui pourrait effrayer la ménagère ou faire fuir le bobo. C'est couru d'avance, Disiz aura la parole, si tenté qu'on lui donne, à un heure tellement avancée de la nuit qu'il me faudra vider une soupière de café (voire deux) pour tenir éveillée jusque là. Je n'ai donc pas vu en direct live (même si l'émission est enregistrée) l'intervention de Disiz, mais après en avoir débattue tout un dimanche après midi avec une poignée d'amis, après m'être farcie les dizaines de commentaires sur le blog du rappeur, en réaction à ce qui ressemble de plus en plus à "L'Affaire Disiz", et alors que Réel Carter, le webanimateur de l'émission Stay Tuned ravivait la flamme ce matin via Twitter , je me suis dit que je me devais de réagir et de rectifier le tir, alors qu'une véritable cabale contre le MC était en train de prendre forme sous mes yeux.
Mais avant que j'aille plus loin dans mon analyse, voici le début du passage de Disiz La Peste dans l'émission On n'est pas couché de samedi soir, qui prète à polémique :
Que les choses soient claires, je suis absolument scandalisée par ces images, et je crois que mes nerfs n'avaient pas été mis à aussi rude épreuve depuis l'intervention d'Augustin Legrand dans cette même émission. Dès le début de son argumentation, on comprend que Disiz La Peste reprend, en des termes on ne peut plus limpides, les propos que je vous ai exprimés un peu plus haut, à savoir, que les représentants de la culture urbaine, pour parler de façon politiquement correcte, sont sous exposés, dans notre douce France. En d'autres termes, qui vient de banlieue est condamné a resté en "marge" (de la ville, de la société, des médias de masse etc etc). Mais la mauvaise foi qui règne actuellement dans l'hexagone, et qui se répand plus vite qu'une épidémie de grippe A (je vous renvoie à une autre affaire récente, qui met en cause le ministre de l'intérieur, un vrai bout-en-train qui adore les blagues sur ces sacrés "auvergnats" qui mangent du porc et boivent de l'alcool) s'est encore propagée samedi sur le plateau de Laurent Ruquier.
Mais comment ne pas être franchement révolté quand on entend Eric Zemmour éructer (avec un ton de professeur haussant la voix pour faire la morale à son élève ignare) qu'en France, on reçoit tous la même éducation, avec les mêmes référents culturels (et que je te cite Balzac, qui est à la littérature ce que Keith Richards est à tout mélomane franchouillard quinquagénaire qui se respecte), alors que c'est bien là que repose tout le problème. Nous avons tous les mêmes référents culturels français, mais jamais d'Aimé Césaire ou de Senghore au programme. Pourquoi ce modèle commun n'est il pas représentatif de l'image réelle de la France, sur le plan démographique ? Comment peut-on finalement, sur une chaîne de service public, donner la parole, chaque semaine, à un individu qui, confronté à une jeune homme métisse d'origine sénégalaise, le somme de nier une partie de ce qui le définit en tant qu'homme ? Et ce "nous" utopiste, pour ne pas dire démagogique, de Samuel Benchetrit, qui explique, en mode Grégoire, que nous, c'est "toi plus moi et tout ceux qui le veulent"... que non, non, non, nous ne sommes pas différents, non, non, non, la discrimination connais pas, et encore moins sur le plateau de Laurent Ruquier, ce "nous" là me déprime, autant qu'elle me débecte.
Non, Disiz La Peste n'a pas craché dans la soupe, mais évidemment que cette invitation à venir faire sa promotion dans une émission populaire, n'était pas un privilège. Elle lui a été accordée, comme elle a été accordée avant lui à un Grand Corps Malade, à un Abd Al Malik, à un Akhénathon ou un Oxmo Puccino, pour servir d'alibi à un service public en quête perpétuelle du nouvel MC Solaar, ce rappeur érudit donc rassurant, pour la ménagère et le bobo, qui remplit les quotas de minorités (bizarrement plus invisibles que visibles à l'antenne) sans trop faire de dégât.
Je ne sais toujours pas de quoi parle "Les derniers de la rue Ponty", le roman de Serigne M'Baye Gueye dit Disiz La Peste, mais il rejoindra évidemment ma bibliothèque dans les jours prochains, parce que je ne peux que soutenir celui qui ose exprimer une réalité qui fait certes mal à la France mais qui se doit d'être percée à jour pour faire évoluer les mentalités (y'a encore du boulot). Parce que lire/acheter "Les derniers de la rue Ponty" est finalement pour moi un acte citoyen, militant, face à cette propagande zemmourienne rétrograde et réactionnaire qui sévit sur nos ondes à fréquence hebdomadaire. N'en déplaise à Eric Zemmour, la France de Disiz et de Grégoire, c'est "nous", c'est "Toi, plus moi, et tout ceux qui le veulent", c'est Michel Sardou et Youssoupha, c'est enfin Balzac, Zola, mais aussi Césaire et Fanon. Dont acte.
Pour soutenir Disiz ou réagir à l'émission sur son blog, c'est ici.