»Polell T ou Polell W ? »
Son foddé venait en écho à celui que l’une de ses nièces avait entendu sa cousine formuler à l’adresse de sa fille adoptive : «Ne demande jamais si ton visiteur ou ton hôte désire boire ou manger. Offre-lui à boire ou à manger sans poser de question.»
C’est ça le foddé, le devoir de dire et de faire en conformité avec l’éthique sociale et les règles morales.
A l'occasion d'élections, une vielle femme avait décidé que seule sa cousine bénéficierait de sa voix. On lui avait expliqué que celle-ci n’était candidate à rien, qu'elle était juste revenue au village pour apporter son soutien à une tierce personne. Peu lui importait. Sa cousine avait choisi un camp, et avait fait son devoir en faisant le déplacement au village pour aider son candidat. Alors, elle aussi remplirait les obligations de son foddé, en apportant sa voix au camp de sa cousine. « Je n’ai pas la force pour imposer à tous les miens de voter pour ma cousine, disait-elle, mais je m’appuierai sur ma canne pour aller voter pour ma cousine ».
Dans le village, le vote des gens était, comme on dit, une eau de pirogue, oscillant de l'avant à l'arrière au gré des vagues, balançant d’un candidat à un autre, à chaque élection, selon les promesses de quelques kilos de riz ou d'un poste juteux pour le fils ou le frère. Ce n'était ni la tête ni le cœur qui votait, c'étaient le gosier (goddol) et le ventre (reedu).
La vieille femme ne savait rien du parti ou du programme que sa cousine défendait, et ne se souciait pas de savoir si tous ces gens-là méritaient l'honneur qu'elle leur faisait. Elle se sentait seulement l'obligation d'apporter son aide à la fille de sa tante.
Dans le fodde, il n’y a pas de calcul. Ou s’il y en a, il consiste à savoir ce qui, au regard de la tradition sociale, est beau et bon, et à éviter que l'on puisse vous dire un jour : "ko baddaa ko yoodaani, so yoodi né faddaani" (ton geste n'est pas beau, et s'il l'est, il n'est pas le geste parfait).
PS : la cousine portait le nom de Polell.
(Lire en guise de commentaire? la petite anecdote « Polell T ou Polel W ? »)