Le 14 septembre 2003, 68,9% des Estoniens approuvent l'adhésion à l'Union Européenne par référendum.
En dépit de la permanence de dossiers sensibles, Tallinn a réussi l’examen de passage européen. Un point final a été mis à Copenhague (sommet des 12 et 13 décembre 2002) aux négociations d’adhésion entamées en mars 1998. L’Estonie apparaît comme grande gagnante en termes financiers, puisqu’elle recevra des aides d’un montant total de 1 020,5 millions d’euros pour la période 2004-2006 (prix 1999), soit 367,13 euros par habitant. L’aide communautaire se répartit de la manière suivante (en euros, prix 1999) : 254 millions pour l’agriculture, 617,7 millions pour les actions structurelles, 127,2 millions pour les politiques internes et 21,6 millions au titre de la compensation pour 2004 des versements au budget communautaire. La contribution estonienne aux ressources propres de l’Union est estimée à 229,5 millions d’euros. Pour parvenir à ce résultat positif, l’Estonie a dû accepter les propositions européennes dans le domaine agricole. Ses agriculteurs recevront des aides directes progressives équivalant, au moment de l’adhésion, à 25 % des sommes versées à leurs homologues des pays membres actuels, pour atteindre 100 % en 2013. Tallinn a également dû revoir ses prétentions à la baisse en ce qui concerne le quota laitier : 646 368 tonnes au lieu des 900 000 espérées. L’Estonie a toutefois réussi à préserver ses droits de pêche pour les harengs (de petite taille) de la Baltique, ainsi que son droit d’accise sur les cigarettes. Les questions liées à l’énergie (schistes bitumineux) ont été réglées dans une déclaration annexée au traité d’adhésion. Les réactions au sommet de Copenhague ont été très positives. Le Premier ministre, S. Kallas, a reconnu que son pays avait presque obtenu les meilleures conditions possibles. La ministre des Affaires étrangères, Kristiina Ojuland, a déclaré, quant à elle, que ses espérances avaient été dépassées, notamment en ce qui concerne l’agriculture et le volet financier. Le 8 avril 2003, le gouvernement a approuvé le traité d’adhésion, qui a été officiellement signé à Athènes le 16 avril. L’Estonie rejoindra l’Union européenne le 1er mai 2004. Si l’adhésion est saluée par la classe politique comme un gage de sécurité et de développement, beaucoup reste à faire pour préparer l’Estonie à son nouveau statut. Il s’agira avant tout de doter ce petit pays de la capacité d’absorber et de gérer les fonds communautaires, à savoir 328,6 millions d’euros (prix 1999) pour la période allant de l’adhésion à 2006 (fin des perspectives financières). Pour la même période, l’Estonie recevra également entre 218 et 333 millions d’euros au titre du Fonds de cohésion. Par ailleurs, certains ajustements seront encore nécessaires pour assurer l’adoption de l’acquis. C’est ce que devrait mettre en lumière le rapport d’évaluation de la Commission européenne qui sera publié en novembre 2003. Le gouvernement a maintenant la lourde tâche de rallier l’opinion publique au projet européen. Le référendum sur l’adhésion, qui aura lieu relativement tard (le 14 septembre 2003) en raison de la tenue des élections législatives en mars 2003, représente un défi important : non seulement la population estonienne a rarement été appelée à se prononcer par ce moyen, mais elle a fait preuve ces dernières années d’un euro-scepticisme récurrent. Le taux de soutien à l’adhésion a connu des variations importantes : supérieur à 50 % depuis juillet 2001, il a culminé à 59 % fin mai 2003, sous l’effet du « oui » massif à l’Europe des Lituaniens, mais a chuté brusquement à 48 % en juin. La consultation portera à la fois sur l’adhésion proprement dite et sur l’acte constitutionnel qui ouvrira la voie à celle-ci sur le plan juridique (une loi qui complétera la Constitution sans la modifier, en précisant explicitement que l’Estonie peut faire partie de l’Union européenne). Le commissaire européen à l’Elargissement, Günter Verheugen, devrait se rendre dans le pays les 1er et 2 septembre 2003 afin de soutenir le référendum. En préambule à la campagne officielle, le président de la République, la présidente du Parlement et le nouveau Premier ministre ont publié le 25 juin 2003 une déclaration commune vigoureuse appelant à voter en faveur de l’adhésion. Des changements constitutionnels seront ensuite nécessaires afin de définir les relations entre le droit communautaire et la loi estonienne, ainsi qu’en vue de l’adoption de l’euro. Depuis la signature du traité d’adhésion, l’Estonie jouit du statut d’observateur au sein des instances européennes. Treize députés du Riigikogu participent aux travaux du Parlement européen et des membres du gouvernement assistent aux réunions du Conseil. Cette période d’observation prendra fin en mai 2004. Après cette date, l’Estonie aura six représentants au Parlement (après les élections européennes de juin 2004), trois voix sur 124 au Conseil (du 1er mai 2004 au 31 octobre 2004), puis, à partir de l’entrée en vigueur de la nouvelle Commission (1er ovembre 2004), quatre voix sur 321. Le commissaire estonien (sans portefeuille) sera nommé à l’automne 2003 pour la période allant du 1er mai au 31 octobre 2004. Un nouveau commissaire entrera en fonction avec la prochaine Commission (2005-2009). Le pays sera également représenté au sein des autres institutions européennes et l’estonien deviendra l’une des langues officielles de l’Union. L’Estonie s’est très tôt impliquée dans les travaux de la Convention européenne, par le biais de ses représentants : Peeter Kreitzberg (puis Rein Lang) et Tunne Kelam pour le Parlement, Lennart Meri et Henrik Hololei (suppléant) pour le gouvernement. En janvier 2003, le gouvernement a approuvé des « Positions sur l’avenir de l’Europe », axées notamment sur l’égalité de traitement entre les Etats membres, la transparence du système décisionnel et le respect de la souveraineté nationale. Le gouvernement préconise le maintien du vote à l’unanimité pour les questions liées à la fiscalité, la Politique étrangère et de sécurité commune (PESC), la politique sociale et la défense. Il a aussi exprimé sa préférence pour le maintien de la présidence tournante de l’UE et pour une Commission forte, composée d’un commissaire par pays. L’Estonie est, enfin, opposée à une fédéralisation accrue de l’Union européenne, qui laisserait peu de place aux petits Etats.
Source: Le Courrier des Pays de l'Est