nantes 6 (metro,val ou tramway ?)

Publié le 14 septembre 2009 par Didier T.




Sur la route du retour de Bruxelles, je me demandais comment annoncer mon patron qu’un cabinet international avait choisi de présenter la région nantaise comme susceptible d’accueillir un énorme investissement industriel du domaine de l’automobile. Décidément, Matra s’était illustré dans la compétition automobile et j’étais porteur de l’arrivée éventuelle d’un concurrent dans la région nantaise.
Tous les rêves que je m’étais plu à imaginer risquaient de tourner en eau de boudin!
Après mon compte rendu, c’est Alain Chénard lui-même qui me fit redescendre sur terre.
Pour lui, le principal engagement public concernait l’amélioration des transports urbains, c’était à cet objectif ambitieux et à lui seul qu’il fallait d’abord s’attacher et ne pas en subordonner la définition stratégique à d’autres objectifs, tout aussi louables mais qui viendraient polluer sa décision.
Dans les jours qui suivirent, un dossier très documenté nous ramena à une réalité d’évidence: seul un système de transport, en site propre ou prioritaire sur la circulation automobile, était de nature à absorber le surplus de trafic passagers espéré. A partir de là, seules trois hypothèses pouvaient être étudiées : le métro, le VAL de Matra ou le tramway.
Financièrement, même en augmentant au maximum le versement transport payé par les entreprises, la solution métro était irréaliste. Quant au VAL, présenté comme moins coûteux en fonctionnement, ce qui était vrai, son coût de réalisation, même s’il était inférieur à celui d’un métro, restait dissuasif et les informations dont nous disposions sur celui de Lille indiquaient que la quasi-totalité des capacités d’investissement de la Communauté Urbaine y seraient consacrées.
A Nantes, c’était inenvisageable car il y avait le contournement autoroutier à réaliser avec l’obligation de franchir la Loire en aval et en amont de la ville.
Tous les facteurs indiquaient le choix du tramway comme incontournable.
Mais, pour un élu nantais, proposer le tramway comme solution d’avenir, c’était politiquement la pire des hypothèses.
En effet, Nantes 25 ans plus tôt avait mis fin à son tramway et les Nantais en gardaient un souvenir tel qu’il l’avait surnommé « le péril jaune » ! Nombre de roues de vélos s’étaient encastrées dans les gorges des rails qui couraient dans les rues et les accidents avaient été nombreux.
A l’exception de Saint Etienne, toutes les villes françaises avaient fait de même.
Dilemme.
Comment se prémunir contre la démagogie de ceux qui prendraient un malin plaisir à décrire cette solution comme un énorme retour en arrière, qui n’hésiteraient pas à brandir le retour du péril jaune ?
Furent réalisés des tests auprès d’un panel de Nantais à qui était expliqué qu’un site propre permettait d’isoler les voies du tramway du reste de la circulation automobile et cycliste.
Les résultats en étaient désespérants ! Quand ils avaient compris que les circulations ne se mélangeaient pas, donc n’étaient pas en conflit, ils accusaient néanmoins le tramway, qui traverserait la ville d’est en ouest, de couper la ville en deux !
Ils voyaient dans cette ligne imaginaire, une vraie muraille de Chine absolument infranchissable pour tous véhicules et de plus, ils se voyaient vivre avec le bruit de trains de marchandises passant jusque sous leurs fenêtres. L’enfer !
Tout homme politique soucieux de sa carrière aurait évacué cette solution tramway.
La présentation de ce qui n’était qu’un avant projet lors d’une réunion privée du Conseil Municipal fut épique. Certains de nos « alliés » Communistes nous suggérant perfidement «d’aller plus loin et d’en revenir, pendant qu’on y était à la marine à voile et à la lampe à huile »…
Alain Chénard qui suivait le dossier très attentivement et avec qui chaque semaine je faisais le point de son état d’avancement, convaincu d’avoir raison eut le bon réflexe politique : il fit constater que contrairement aux villes françaises, de grandes villes étrangères développaient leur système de tramway et que le gouvernement venait de recevoir un rapport consacré au « tramway moderne ». Il proposa donc d’organiser des visites de villes européennes équipées qui permettraient à chacun de se faire une idée précise en interrogeant librement les gestionnaires.
Cette proposition recueillit l’unanimité, tant il est vrai que les voyages forment la jeunesse….
Saint Etienne, Zurich, Bruxelles, Hambourg, Amsterdam étaient au programme et quand à Zurich ils virent un tramway rouler sur un tapis de verdure et être obligé d’agiter sa cloche pour être entendu des promeneurs, ils comprirent enfin que leur vision passéiste du tramway devait être révisée.
Au retour, le principe de la construction d’un tramway fut officiellement voté, les études lancées et deux responsables techniques, que j’avais déjà gardés au chaud, recrutés. L’un avait été chargé de la construction du métro du Caire, l’autre rentrait du Brésil où il était consultant transport à Sao Paulo. Et Jean Luc Lagardère dans tout ça ? Le prochain Nantes 7 en dira un peu plus ainsi qu'un rendez-vous ministériel inénarable...