Le temps d'un week end: 12h d'expositions photos ponctuées de moments d'exaltations, de découvertes, de coups de coeurs, des photographes qu'on aime, mis en valeur
par des scénographies que seules Les Rencontres d'Arles peuvent offrir. C'est la magie inégalable de Arles pour qui aime un peu, beaucoup, passionnément la Photo.
Et cette année, c'était un grand cru, symbolique, imposant: Les Rencontres Internationales de la Photo soufflaient leurs 40 bougies. L'âge du "tout est possible",
l'âge de l'audace teintée de maturité.
Mais qui dit 40e anniversaire, dit enjeu, enjeu pour vouloir "marquer" les esprits, parce qu'il y a le poids de l'Histoire de ces Rencontres à valoriser. La moindre
des choses pour ce projet fou qui, parsemé d'obstacles, a su s'imposer comme un événement artistique incontournable.
Un tremplin aussi. Nan Goldin, notamment, exposée pour la
première fois ici en 1986, est une des marraines à juste titre de cette nouvelle édition.
Le parti pris des Rencontres n'était donc pas la nostalgie mais l'envie de montrer la richesse d'une scène photographique foisonnante faisant le lien entre passé et
présent. Paroles étaient ainsi données à ceux qui ont fait vivre de grands moments à Arles, ont marqué et marquent encore, l'univers de la Photo (Lucien Clergue, Willy Ronis, Robert Delpire, Martin Parr...). Ces photographes s'exposent et montrent
pour plusieurs, également "leurs poulains", la nouvelle génération audacieuse et talentueuse : l'avenir.
C'est aussi le moment de rendre hommage et saluer le travail d'un photographe brillant mais trop discret (face à ces confrères de l'époque: Ronis, Boubat, Cartier-Bresson...) : le photographe
humaniste d'après-guerre, Léon Herschtritt.
Ce parti pris, je l'ai appréhendé comme une réussite, et la scénographie caractéristique des Rencontres; (dans les ateliers SNCF, le Cloître, L'Eglise Sainte-Trinité, le Palais de
l'Archevêché...) a contribué à faire de cette expérience-marathon de photo, une aventure et un voyage extraordinaire en compagnie de ma soeur dont les regards et les analyses fines m'ont été
précieuses pour percevoir "l'image" différemment...
Mais voilà, après vous avoir raconté tout ça, je ne sais pas par quoi commencer tant j'ai été submergé par des images poignantes, hypnotiques qui m'ont fait partir loin ou ramener au plus près
d'émotions brutes...
Alors je ne vous citerai à contre-coeur, car le choix est difficile; que certains de mes "coups de coeur", " ou "découvertes" et vous conseille d'aller vers le site pour vous rendre compte de la
richesse de la programmation et des photographes exposés: par ici!
Tout d'abord, Duane Michals, un grand monsieur de la
photo dont l'éternelle jeunesse du regard m'a enchanté tout comme son univers poétique de ses romans photos ou il racontes "ses", ou des histoires, ironiques, féroces comme cette série "légère"
intitulée "Take one and see Mt Fujiyama".
Brian Griffin, lui, m'a plutôt bluffé. En partant d'un sujet peu émoustillant: d'une commande pour une grosse entreprise
industrielle en Islande qu'il intitule "Water people", il livre des portraits en noir et blanc, des employés, dont le flou accentué par l'eau sur leurs visages délivre une impression
étrange. Accrochés aux cotés de paysages lunaires toujours en noir et blanc, on est loin d'un univers institutionnel mais plutôt dans un univers qui pourrait s'apparenter à un film de
science-fiction...
Par la suite, sa façon de déinstitutionnaliser le portrait dit "institutionnel" en montrant les ouvriers du tunnel sous la manche, comme des héros avec un cadrage informel, du noir et blanc, des
jeux de lumière aux cotés de photos de "patrons" sous un angle plus contemplatif (au téléphone, dans la rue, désoeuvrés et seuls dans un décor) est fascinant...Une leçon sur comment faire de
l'art sur un sujet à priori austère...
Eugène RichardsUn voyage au coeur de l'Amérique profonde, rurale sur 3000 kilomètres en trois ans du Nebraska, Arkansas, Dakota... Et un parti-pris, celui de photographier un patrimoine qui
pourrait faire frissonner certains: les fermes et maisons abandonnées. "The blue room", son voyage personnel est à la recheche des instants de vie qu'on imagine derrière une vitre cassée, un
mégot imbibé de rouge à lèvres, un cheval à bascule. Les lumières sont sourdes, grises comme ces instants de vie qui appartiennent désormais au passé.
Tomasz Gudzowaty
le sport perçue comme religion ou rituel, une nouvelle approche du regard au-delà de la performance et compétitivité si souvent représentées. Voyage au coeur de l'effort avec comme récompense à
la clé...la sérénité.
Olivier MetzgerDes travellings noctambules dans des univers qui nous semblent familiers, une rue, un pavillon d'une banlieue ordinaire, une bagnole...et pourtant, c'est une sensation de
fausse familiarité car son univers semble plus proche de l'irréel et d'un vagabondage nocturne troublant vers la recherche d'un ailleurs au fin fond de la nuit. L'esthétisme lisse des photos
renforce cette impression.
Don Mc Neil Healy
Des photos-témoignage empreint d'humanité...
Don Mc Neil Healy démontre la situation désastreuse de nombreux immigrés polonais en Irlande. Son parti-pris : suivre le quotidien de Marko, divorcé, deux enfants, qui de la dureté de la rue à
l'alcoolisme, va tenter de s'en sortir. Ses photo respirent la pudeur, l'empathie et l'attention portées à son sujet qui se dévoile. Pas de pathos, de la vie; plutôt rude, mais de l'espoir mis en
avant par des couleurs vives sur lesquelles le jeune photographe s'appuie.
Jean-François Spricigo
Du noir et blanc pour des images hypnotisantes, vibrantes, un univers mystérieux comme un rêve d'images qui défilent. Tout son univers se rapproche du 7e art. Des atmosphères qu'on imagine dans
un film fantastique. Trippant, intriguant, envoûtant.
Laurence Leblanc Polka m'avait fait découvrir une partie de son
travail.
"De l'air" c'est le titre de son exposition, "De l'air comme le poème de Pablo Nureda. Elle nous livre un florilège de photos prises pendant sa traversée de l'Afrique au Brésil. Une traversée
intime qui capte au delà de ce qu'on voit instinctivement...une atmosphère, une sensation. Laurence Leblanc nous fait toucher du bout des doigts des vies qu'on imagine pas toujours faciles et
pourtant...Intense flou de poésie photographique. On a envie par la force subtile qui émane de ses photos de lui faire rencontrer les "trois femmes puissantes" de Marie
Ndiaye.
Georgia Fioro
Son travail sur le thème du don et son voyage à travers le monde pour capter les moments de cérémonies religieuses m'avaient fasciné à la Mep. Je redécouvre son travail mis en scène à
Arles. Résultat: toujours aussi subjuguée.
Attila Durak
Très beau travail sur les peuples d'Anatolie et de Turquie à travers un voyage de plus de sept ans. Pour montrer quoi? La richesse du métissage, de la diversité et paradoxalement l'unité de tous
ces peuples autour de l'amour d'une même terre. La photographe n'a laissé aucun peuple à l'écart. Nomades, sunnites, chrétiens, kurdes, arabes chrétiens, arméniens, tous sont photographiés avec
ce cri d'amour qui transperce le coeur. Sur panneaux géants, la richesse de la Turquie par ces portraits de gens authentiques, nous éclate en plein Atelier Mécanique. La musique traditionnelle en
fond sonore nous dit que c'est unique. Et tout le monde sort de l'exposition avec un mot à la bouche: magnifique. Merci.