Tu fais 100 bornes. Aller. 100 autres. Retour. Un samedi. Tu n'es pas seul à avoir eu l'idée. Sur le net, tu es allé mater ça et là, comparer, calculer. Le géant suédois, pour le bureau du collégien, restait le meilleur compromis qualité, prix, aspect, sauf à fabriquer soi-même l'objet. Une autre paire de manches.
Tu reviens avec tes cartons qui ont envahi le coffre de la berline, impatient d'en découdre avec les plans. Tu as sorti la dévisseuse. Tu te frottes les mains. Tu te gratteras la tête. Tu aurais dû également prendre la scie sauteuse. Ce que tu finis par faire, pour finir justement. Tu as acheté le bureau en plusieurs paquets. Le plateau, les pieds, le meuble de rangement. Mais ce n'était pas fini. Il t'a fallu improviser pour terminer. Ce qui devait coller n'a pas collé.
Tout est monté. Tu regardes, tu mesures, tu regardes, tu tournes, tu mesures, tu regardes. Mais rien à faire. Il manque bel bien, moche et bien plutôt, deux centimètres. 1,7 centimètres, pour être précis. Les pieds touchent sol, mais n'atteignent pas le plateau. Le rangement qui sert de pied, lui, touche terre et plateau. Restent ces 1,7 centimètres.
Te voilà à fabriquer deux cales pour équilibrer le tout.
Tu lui en veux au géant suédois, alors tu replonges dans tes cotes et dans le catalogue. Et tu lui en veux bis, au géant suédois. Parce que c'est imparable. Il n'a pas fauté, tout était écrit. L'oeil usé par la déambulation, les oreilles tringlées par la foule qui n'a cessé de se faufiler dans les travées, tu n'as juste pas vu ces 1,7 centimètres. 100 bornes, 84,5 euros, 4 heures de temps au magasin, deux au montage. Et il te manque 1,7 centimètres pour que le bureau comme tu le souhaitais.
A défaut, il a déjà une histoire. Tu l'aimes quand même. Et tant pis pour la gueule de bois.