Cette semaine fut une grande semaine dans le monde du basket, et pas seulement la NBA : chaque année sont introduits les dans le Hall of Fame de nouveaux anciens joueurs ou entraineurs ayant marqué à jamais l'histoire de la NBA et du basket-ball en général. Entrer dans le “Temple de la Renommée”, c'est en quelque sorte la consécration. Et cette année, ceux qui y ont été conviés sont simplement des cadors : j'ai nommé dans l'ordre alphabétique Michael Jordan, David Robinson, Jerry Sloan et John Stockton ! Ce soir, je vais me pencher sur ce dernier, sur ce qu'il a fait, sur ce qu'il a été… C'est parti pour l'éloge de Monsieur John Stockton !
John Stockton… Ce nom ne vous dit peut-être rien, ou du moins plus grand chose. Pour vous, il n'a peut-être été que le meneur-papy des Jazz alors qu'il avait 40 ans : c'est vrai. Il a peut-être été aussi le seul joueur NBA à ne pas avoir de style avec son short plus court que mon slip : c'est vrai aussi. Mais pour tant d'autres, il a été l'un des tout meilleurs à son époque, et même de l'histoire du basket-ball.
Sa carrière : après 4 ans passés à l'université de Gonzaga (celle-là même qui a vu sortir Ronny Turiaf récemment) John Stockton est arrivé en NBA en 1984, en même temps que Jordan, Olajuwon, Barkley ou autres Sam Bowie. Il a attendu tout de même la 16ème position de la Draft pour être appelé par David Stern (dont c'était la première Draft en tant que Commissionner). Il sait donc qu'il jouera pour les Jazz… mais ce qu'il ne sait pas encore, c'est qu'il va y jouer durant toute sa carrière, 19 ans en NBA ! Durant ces 19 années, Stockton connaîtra tout sauf deux choses : une saison sans playoffs, et un titre NBA. Lui et ses Jazz arriveront deux fois en NBA Finals, mais ils sont à chaque fois tombés sur les Bulls de Jordan, en 1997 et 1998. Plus personnellement, en plus de ses 9 titres de meilleur passeur de la Ligue, il a été appelé 10 fois au All-Star-Game, et gagnera même en 1993, à la maison (Salt Lake City) le titre de co-MVP du match avec Karl Malone. Il fera partie de la légendaire Team USA de 1992, ainsi que de celle de 1996 qui remportera le titre olympique à Atlanta. Pour l'anecdote, et pour bien montrer comment est le personnage, une vidéo montre Stockton arpentant les rues de Barcelone en 1992, et qui ne se fait même pas reconnaître par une américaine fan de la Dream Team !
Son jeu : on ne peut parler de John Stockton sans qu'il y ait le nom de Karl Malone qui sorte également. Ces deux-là ont développé une amitié tellement forte en dehors des terrains que ça en devenait flagrant sur le terrain : les deux se trouvaient les yeux fermés, et je n'exagère même pas ! Si Stockton est devenu le meilleur passeur de tous les temps, c'est en très grande partie grâce à Karl Malone, et inversement, si Karl Malone est devenu le second meilleur scoreur de l'histoire de la NBA, il le doit en majeure partie à son blanc-bec de meneur. Si le pick and roll devait être illustré par une paire de joueur, je suis sûr qu'à presque 100%, les joueurs et coachs NBA voteraient pour celle de Salt Lake. Mais le Stock n'était pas qu'un passeur, il savait scorer, comme le montre ses 10 saisons au-dessus des 14 points (à plus de 50% de réussite…). Entre pénétrations ouvertes, shoots à 3-points et contre-attaques, Stockton était une superbe arme offensive. Lui et Jeff Hornacek ont formé pendant plus de 5 ans une paire d'arrières redoutés aussi bien offensivement que défensivement. Car oui, Stockton était juste un monstre défensif. Malgré son petit mètre 83, il était l'un des arrières les plus vicieux et difficiles à passer de la Ligue. 5 fois il a été élu dans la Second All-NBA Defensive Team, et il est accessoirement le recordman d'interceptions… Lui et Hornacek ne payaient pas de mine, mais ils étaient la paire la plus redoutée de la fin des années 2000.
Sa conception du poste de meneur de jeu, et la comparaison avec les autres : avec son mètre 83 et son short trop court, John Stockton n'était clairement pas un joueur flashy. Il n'est pas aussi talentueux et incroyable que Magic Johnson, il n'est pas aussi complet que peut l'être Jason Kidd ou Oscar Robertson, il ne pouvait pas faire autant la différence que Isiah Thomas, mais voila Stockton a su faire son trou, et ce durant 19 ans ! En marketing, on appelle ça un positionnement plus que réussi, un avantage concurrentiel ! Qui peut se targuer d'avoir joué jusqu'à 41 ans à un niveau professionnel ? Mieux, qui peut juste lever la main et dire qu'il a été titulaire durant 82 matchs dans une équipe de playoffs à 41 ans ? Pas grand monde je crois… Stockton lui l'a fait, et mieux que quiconque. Durant 19 ans, il a cherché à faire marquer les autres : la définition même du meneur-passeur, c'est lui. Vous voulez une preuve ? Durant 5 saisons, il a tourné à plus de 13 passes par match, avec une pointe à 14,5 passes durant la saison 89-90 !!! Hallucinant, surtout quand on sait que moins de 60 joueurs ont marqué plus de 14,5 points par match lors de la saison 2008-2009… Alors, on peut bien sur faire un Top Ten des meilleurs meneurs, et même moi je placerai Magic au-dessus de Stockton. Mais au final, sont-ils comparables ? L'un a révolutionné le jeu par ses passes hallucinantes et sa capacité à jouer partout, l'autre a duré dans le temps pour établir des records que personne ne battra jamais (car clairement, plus personne ne réussira à faire 15 000 passes dans sa carrière, ni ne réussira à piquer plus de 5000 ballons…). Dans la même logique, Big O Robertson a claqué une saison en triple-double (5 si on arrondit les angles…), et pour autant était-il meilleur que John Stockton ? Meilleur joueur oui, meilleur meneur définitivement non.
Stockton a tout de même joué durant 19 saisons à un niveau incroyable, et je suis prêt à parier que la plupart des meneurs actuels aimeraient avoir le niveau d'un Stockton à 40 ans plutôt que le leur actuellement ! En carrière, c'est plus de 10 passes par soir, impressionnant quand on sait qu'il jouait moins de 25 minutes lors de ses 3 premières saisons, et moins de 30 lors de ses 6 dernières. Il a inspiré nombre de joueurs actuels, à commencer par Steve Nash : le double MVP a un jeu comparable, avec une forte présence défensive malgré un physique peu avantageux, un shoot (extérieur mais aussi derrière la ligne des lancers) phénoménal, une volonté absolue de faire marquer les autres, et surtout une capacité à la limite du surnaturel à trouver le bon équipier au bon moment ! Pour citer d'autres joueurs, on peut aussi nommer Chris Paul, Deron Williams et même Jose Calderon, Mike Conley, Jamaal Tinsley et Brevin Knight, qui ont fait du pick and roll leur arme favorite.
Alors voila, 6 ans après la fin de sa carrière, la NBA lui fait l'honneur de rentrer à jamais dans l'histoire du basket-ball. Quelque peu éclipsé par la présence de Michael Jordan dans cette “promo” de Hall of Fame 2009, Stockton mérite de figurer parmi les grands autant que Michael mérite le titre de meilleur joueur de tous les temps. J'ai tenu à faire ce billet sur celui qui m'a fait aimer le basket, celui qui m'a donné l'envie d'en savoir plus sur ces joueurs de devoirs, celui qui m'a montré comment être un bon sportif (moi, c'était sur un terrain de football, mais c'est pas grave) : John Stockton restera pour moi, à jamais, le meilleur meneur de jeu de l'histoire du sport !