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De la contingence et de l'évolution

Publié le 12 septembre 2009 par Rhubarbare

 Suite à un débat ayant eu lieu sur le billet de blog de Grattepoil « Darwin, le combat à travers les siècles », je me suis penché sur la question au travers notamment d’un livre du géologue et biologiste bien connu Stephen Jay Gould, intitulé  « La vie est belle » et qui traite de la contingence comme vecteur principal des «anomalies darwinistes » découvertes notamment dans les Schistes de Burgess au Canada au début du 20eme siècle, mais seulement méticuleusement – et brillamment -analysées à partir du début des années 70 et jusque dans les années 80 par un petit groupe de biologistes passionnés.

Pour faire court sur ces découvertes, les Schistes de Burgess contiennent des fossiles de l’époque précambrienne (- 570 millions d’années), essentiellement des arthropodes, mais « dont quinze à vingt espèces ne présentent aucune parenté avec des groupes actuellement connus et doivent sans doute être classées dans des embranchements nouveaux et distincts ».

En plus des quatre types majeurs d’arthropodes connus (les Trilobites, éteints ; les Crustacés ; les Chélicérates comprenant araignées et scorpions ; les Uniramés comprenant les insectes) dont on retrouve des espèces à Burgess, on a trouvé « de vingt à trente sortes d’arthropodes qui ne peuvent être classés dans aucun groupe connu. »

Pour le biologiste, il s’agit d’une découverte énorme : il existait à l’époque précambrienne une bien plus grande disparité (nombre de plans d’organisation biologiques) qu’aujourd’hui. Par contre il existe aujourd’hui une bien plus grande diversité (nombre d’espèces) qu’alors, mais toutes construites à partir de ce petit nombre de plans. Par exemple tous les vertébrés (dinosaures, poissons, oiseaux, mammifères… ) sont très diversifiés, mais tous issus du même plan de base (embranchement des Chordés) et dont une seule espèce fut découverte à Burgess.

De cela il découle que notre perspective habituelle de l’évolution comme un cône pointe en bas ou un arbre avec un tronc commun se démultipliant vers le haut, vers toujours plus de complexité, est remise en question : en fait l’évolution part d’une base très large (beaucoup de troncs qui apparaissent plus ou moins ne même temps), dont beaucoup disparaissent assez rapidement pour des raisons inconnues (probablement à causede grande catastrophes naturelles), seuls quelques uns arrivant à survivre et à se diversifier.

Du point de vue anthropologique, l’existence de l’Homme est due au fait que notre embranchement des Chordés, apparut en même temps que les autres, a survécu « par chance », mais certainement pas parce que les premiers Chordés avaient un quelconque avantage intrinsèque. Nous ne sommes pas le produit d’une évolution plus ou moins linéaire et strictement Darwiniste allant d’un ancêtre universel simple vers une descendance de plus en plusc omplexe.D’où l’introduction du concept de contingence.

La contingence, telle que je la comprends du moins, est ce qui fait que le film de la vie ne se déroulera jamais deux fois de la même façon. Tous les facteurs aléatoires, les chances, les accidents et les opportunités qui en découlent impactent les effets des lois naturelles. Rien de nouveau, certes, mais l’importance de la contingence révélée par l’étude de Burgess (et d’autres depuis lors) est très nettement supérieure à ce qu’infère le Darwinisme classique. En fait la contingence est le premier facteur d’évolution, ce qui sculpte le monde du vivant, bien avant la sélection naturelle proprement dite.

En conclusion je cite à nouveau Gould répondant à la question de « pourquoi les hommes existent-ils ?»

« Parce que Pikaia (le premier Chordé connu) a survécu à la décimation. Cette réponse n’invoque pas une seule loi de la nature ;elle ne repose sur aucun raisonnement au sujet de la prédictibilité de certaines voies évolutives, ni sur aucun calcul de probabilité basé sur l’écologie ou les règles générales de l’anatomie. La survie de Pikaia, notre survie, a été contingente, elle ne relève que de l’histoire elle-même. »

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