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La lamentation du prépuce

Par Liliba

Shalom AUSLANDER

coeur

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"Je crois en Dieu. Cela a toujours été un problème pour moi."

Présentation de l'éditeur
Iconoclastes et incroyablement touchants, les mémoires d'un jeune juif du New Jersey élevé dans la plus stricte tradition orthodoxe. Entre Chaïm Potok, Woody Allen et Philip Roth, un régal de drôlerie et d'émotion, un vrai morceau de bravoure contre tous les fondamentalismes religieux. Quand il était petit, le jeune Shalom croyait aveuglément la parole des adultes : s'il allumait la télé pendant Shabbat, Dieu ferait perdre les Rangers, et tous ceux qui mangeaient du porc périraient dans d'atroces souffrances. Et puis, Shalom a commencé à douter. De son père qui se saoule au vin casher et fait du Shabbat un véritable enfer. De sa mère qui le force à porter une kippa à la piscine. Et de Dieu Lui-même qui, télé ou pas, s'obstine à faire perdre les Rangers. Alors Shalom s'est rebellé. Il a mangé des hot-dogs, lu en cachette les magazines cochons de son père, convoité de plantureuses shiksées blondes, et attendu, tremblant, l'inéluctable châtiment divin...

Je me suis régalée de ce roman vraiment très original ! Déjà attirée auparavant par le titre, je me suis plongée avec délices dans les angoisses de Shalom et dans son combat quotidien contre le Dieu omniprésent, intimidant et vengeur dont on lui a rabâché les oreilles toute son enfance. Les péripéties de la vie de ce "rebelle" m'ont vraiment beaucoup fait rire, de même que la propension de cet homme à faire manifestement le contraire de ce qui est prescrit par les lois divines, parfois consciemment, parfois sans du tout se rendre compte qu'il déroge à une règle. Les anecdotes se suivent et sont souvent vraiment très drôles et l'on se prend d'amitié pour l'enfant ou l'adolescent qui tente, par ses moyens dérisoires, de tester la mansuétude ou la patience de Dieu.

Mais ce livre est plus qu'une succession d'anecdotes amusantes. En effet, Shalom teste Dieu, le met à l'épreuve pour voir s'il réagira à ses bêtises, mais il continue cependant (ou justement) à croire en ce Dieu. Même au contact de certains membres de sa famille se laissant aller à des pratiques absolument proscrites, et voyant que Dieu ne punit personne, il s'accroche tant bien que mal à sa foi et ressent toujours cette culpabilité, cette peur du jugement et de la punition, et ce même lorsqu'il devient adulte. Et cela le mine.

Présenter la religion de cette façon est certes très amusant, mais fait également réfléchir sur le poids que celle-ci peut avoir sur une vie, et notamment sur l'esprit de jeunes enfants, perméable à ce qu'on veut bien leur raconter. Je ne suis pas du tout assez connaisseuse de la religion en générale, et de la pratique de la religion juive en particulier pour me permettre de porter un jugement, juste quelques questions qui ont émaillé ma lecture : le Dieu enseigné au petit Shalom ne semble pas être un Dieu bien magnanime ni aimant, mais bien un Dieu qui surveille, qui sanctionne, qui punit... Faut-il donc apprendre à nos enfants la religion en leur faisant craindre Dieu, plutôt que de le vénérer ? Les préceptes et lois dictées sont parfois totalement stupides ou risibles, doit-on inciter cependant l'enfant à fermer les yeux et à suivre ces lois aveuglément, sans se poser de questions ? Dieu est-il juste ? Est-il bon ? Comment peut-on d'ailleurs avoir envie de croire en une entité supérieure si celle-ci n'est pas tout amour ? Les lois édictées par les religions (quelles qu'elles soient) ont-elles été écrites pour faire peur aux hommes et les forcer à croire, la peur étant considérée à l'époque comme une motivation suffisante ? Pourquoi suivre ces lois si d'autres ne les suivent pas et s'il ne leur arrive rien de particulier ? ... Bref, le dialogue est ouvert ! (oui, et moi quand on parle religion, je pars vite au créneau...)

Voici donc un livre intéressant et drôle à la fois, ce qui est plutôt rare. Une seule petite remarque, j'ai trouvé le début absolument passionnant, mais il y a ensuite quelques longueurs, et étant moi-même une rebelle dans l'âme depuis ma plus tendre enfance, Shalom a parfois eu une très nette tendance à m'énerver par sa crédulité et sa soumission à ce Dieu qui ne fait pourtant vraiment pas envie...,

"Quand j'étais petit, mes parents et mes maîtres me parlaient d'un homme qui était très fort. Ils disaient qu'il était capable de détruire le monde entier. Ils disaient qu'il pouvait soulever les montagnes. Ils disaient qu'il pouvait ouvrir la mer en deux. Il était très important de ne pas le contrarier. Lorsque nous obéissions à ce qu'il avait édicté, cet homme nous aimait bien. Il nous aimait tellement qu'il tuait tous ceux qui ne nous aimaient pas. Mais si nous n'obéissions pas, alors il ne nous aimait pas. Il nous détestait. Parfois, il nous haïssait tellement qu'il nous tuait ; parfois, il laissait d'autres gens nous tuer. C'est ce que nous appelons les jours de fête : à Pourim, nous nous souvenons de la fois où les Perses ont essayé de nous tuer ; à Pessah, nous nous souvenons de la fois où les Égyptiens ont essayé de nous tuer ; à Hanoukka, nous nous souvenons de la fois où les Grecs ont essayé de nous tuer.
«Béni soit-Il», disions-nous dans nos prières.
Aussi terribles que pouvaient être ces punitions elles n'étaient rien à côté de celles que cet homme pouvait nous infliger lui-même. Et allons-y avec la famine, et allons-y avec les déluges, et allons-y avec la fureur vengeresse. Hitler avait pu exterminer les juifs mais cet homme, lui, avait noyé la planète. Nous avions une ritournelle à son sujet, au jardin d'enfants :
Dieu est ici,
Dieu est là,
Dieu est partout,
Un point c'est tout.
Ensuite, petit goûter et sieste agitée.
J'ai été élevé tel un veau dans la petite ville orthodoxe juive de Monsey, État de New York, où il était interdit de consommer du veau avec des produits lactés. Si on avait mangé du veau, il était interdit de manger des produits lactés pendant les six heures suivantes ; si on avait mangé des produits lactés, il était interdit de manger du veau pendant les trois heures suivantes. Il était interdit de manger du porc à jamais, ou en tout cas jusqu'à l'arrivée du Messie car c'est alors, nous avait appris Rabbi Napier en cours moyen deuxième année, que les méchants seraient punis, que les morts ressusciteraient et que les cochons deviendraient cachère."


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