La Pinacothèque de Paris, dont le directeur M. Restellini s'est fait une spécialité d'exposer les oeuvres d'artistes présentés par lui comme des artistes maudits, oubliés par la critique officielle et parias des musées d'état, à trouvé dans le couple Valadon Utrillo un sujet en or.
Suzanne Valadon (1865 - 1938) est une jeune fille délaissée par ses parents, modèle de Renoir, de Toulouse Lautrec, de Degas puis peintre à son tour. Son fils Maurice Utrillo lui aussi délaissé par sa mère est un peintre génial. La biographie artistiques des deux personnages est un chassé croisé, puisque son inspiration à lui s'essoufle lorsque celle de sa mère éclot. C'est lorsque Utrillo, génie précoce, sombre dans l'alcool, que sa mère qui fut d'abord son agent acquiert la pleine maîtrise de sa peinture.Lui peint des paysages urbains déserts, elle peint des intérieurs domestiques et des portraits, des natures mortes. Comme si leur peinture à tous les deux illustraient leur incapacité mutuelle à véritablement se rencontrer.
Les cartels de l'exposition fourmillent de détails biographiques ou esthétiques qui resituent os deux compères dans le grand destin de la peinture mondiale. Maurice Utrillo, peignant ses vues de Paris sur la base de Cartes Postales, serait un précurseur du Pop Art, Suzanne Valadon serait la première artiste réellement "féministe", peignant des sujets autrefois réservés aux hommes. Intitulée "Valadon Utrillo, au tournant du siècle à Montmartre", l'exposition retrace en outre un tournant de l'histoire de la peinture, lorsque de l'impressionnisme et des artistes bourgeois en rebellion ocntre leur milieu naît l'école de Paris, avec ses artistes maudits, sans le sou, issus des milieux populaires. Bien que l'exercice tourne parfois à la dissertation savante et finisse par être intellectuellement intéressante plutôt que visuellement forte, cette exposition reste stimulante par la vigueur des rapprochements établis et des liens construits.
C'est peut-être de toutes les expositions organisées depuis l'ouverture de la pinacothèque, celle où le goût du storytelling et des éléments biographiques est poussé à un point tel qu'il obscurcit parfois le contact aux oeuvres. Mais les chefs d'oeuvre de Valadon (en particulier Le nu se coiffant) et la grande cohérence du travail d'Utrillo justifient amplement d'y faire un tour, en attendant le siècle d'or de la peinture hollandaise, où l'on ne pourra pas nous refaire le coup des peintres oubliés à réhabiliter.