Sébastien Clerc, professeur dans un lycée difficile de ZEP et conseiller de l’Éducation nationale en matière de discipline, ne mâche pas ses mots pour décrire certains surveillants de son établissement, dans son livre Au secours ! Sauvons notre école :
[C]ertains surveillants se laissent aller à de la familiarité avec les élèves, ce qui les discrédite s’ils essayent de faire preuve d’autorité – heureusement, ils s’y emploient rarement.
Par ailleurs, j’en ai connu qui semblaient avoir décidé de faire moins que le minimum. Ils peuvent se permettre d’arriver très en retard, de s’absenter pendant de longues périodes, de refuser certaines tâches (aller chercher les billets d’absence, patrouiller dans les couloirs, et, quelquefois même, surveiller en permanence !), car ils n”’ont pas le temps” ou ils trouvent la besogne inintéressante ; ils renoncent facilement si un jeune voulant entrer dans le lycée n’a pas sa carte scolaire (alors que ce contrôle important a pour but que des intrus ne puissent pas pénétrer dans l’établissement).
Plus grave : certains surveillants se montrent parfois des exemples douteux pour les lycéens. L’un d’eux avait la manie de conseiller d’une façon discutable les élèves remontés contre leur professeur, les encourageant à une résistance farouche. Un autre avait la réputation de fréquenter les élèves d’une manière très rapprochée, fumant des herbes illicites avec certains, entretenant une romance avec une jeune fille inscrite dans l’établissement… Le sommet est atteint lorsqu’un surveillant dealer arrive au lycée avec une puissante voiture de sport faisant envie aux élèves !
Sombre tableau des surveillants brossé par Sébastien Clerc : familiarité, manque d’assiduité, refus d’effectuer pleinement leur travail, réticence à assurer la sécurité des élèves, voire copinage avec eux…
À côté de ces cas de surveillants peu motivés, Sébastien Clerc donne l’exemple de surveillants sérieux, obligés de « payer » pour les autres en faisant le travail qu’ils n’ont pas daigné faire.
Ce que l’auteur ne fait pas, vu que son ouvrage traite du vaste problème de la crise de l’école et qu’il ne peut pas s’attacher aux détails, c’est de questionner le mode de recrutement des surveillants. Car celui-ci est au cœur du problème.
Les surveillants sont des étudiants, à mi-temps, qui font surtout ce travail pour payer leurs études. Ils sont recrutés de façon contractuelle, ne reçoivent pas de formation spécifique.
Il est ainsi difficile d’exiger d’eux de traiter un problème aussi complexe que la discipline à l’école, alors que ce n’est ni leur vocation, ni leur métier, ni leur formation. Leur statut d’étudiant les rapproche beaucoup des élèves dont ils sont censés assurer la discipline, et ce surtout au lycée.
Le cas du surveillant dealer relaté par Sébastien Clerc est une illustration extrême des problèmes posés par ces recrutements.
Contrairement au conseiller principal d’éducation (CPE) qui a été recruté et formé pour ce métier qu’il exerce à plein temps et pour une durée indéterminée, le surveillant ne fait que passer dans un établissement, le temps de ses études, puis est remplacé par un autre étudiant, novice. Chaque année, pratiquement tout est donc à refaire. Le surveillant apprend sur le tas, au gré des difficultés. Il fait le même parcours que celui qui l’a précédé. Sans pour autant bénéficier de son retour d’expérience, car il n’y a pas de réelle transmission d’un surveillant à un autre. Paradoxal, à l’école…
Comme le disait Noémie Rosière, enseignante en collège, en commentaire à l’article sur le CPE :
La surveillance dans les établissements scolaires doit maintenant relever d’une vraie qualification professionnelle tant l’indiscipline hors temps de cours est forte, violente et généralisée.
Le collège et le lycée ont besoin de professionnels de surveillance et de prévention expérimentés. Il n’est pas question d’en faire des tireurs embusqués qui « allument » à tout va mais au contraire des personnes accessibles s’inscrivant dans un registre de proximité, d’écoute, de communication et de sanction.
Quels effets peut-on attendre d’une professionnalisation des surveillants ? D’abord, on peut avancer qu’en étant recrutés, formés et payés à plein temps pour surveiller les élèves, ceux que les élèves appellent les « pions » seront non seulement plus compétents et motivés, mais encore plus expérimentés pour traiter les cas d’indiscipline.
En effet, avec les années, qu’ils restent dans le même établissement (où ils connaîtront parfaitement le « terrain ») ou qu’ils changent de collège et de lycée (pouvant ainsi faire profiter leurs nouveaux collègues de leur expérience différente, et inversement), ils acquerront une expertise de la surveillance qu’ils pourront transmettre.