La remise de la dernière Palme d'Or à 4 mois, 3 semaines et 2 jours a eu un effet double : enthousiasmer les cinéphiles auteuristes, ravis que le social l'emporte sur le star-system, et faire rager les autres, dépités à l'idée que David Fincher ou les frères Coen se soient fait devancer par un obscur film roumain. À présent que le film est sorti, il n'y a plus vraiment de doute possible : Cristian Mungiu a simplement eu la chance de tomber sur un président du jury nommé Stephen Frears, qui ne pouvait que récompenser un film de ce genre. Car 4 mois, 3 semaines et 2 jours n'est rien d'autre qu'un bon gros film d'auteur au sens le plus cliché du terme. Image sale et plans fixes à satiété, zéro sourire en presque deux heures, sujet rédit au minimum, personnages qui s'emmerdent copieusement entre deux scènes vaguement choc... 4 mois, 3 semaines et 2 jours, c'est "le film d'auteur pour les nuls", la Palme qui plaira aux habituels détracteurs du cinéma d'auteur, ceux pour qui tous les films sociaux se ressemblent. Ceux-là ne verront donc pas la différence avec le haut du panier, et pourront même crier au génie, galvanisés par la mention "vu et approuvé par le jury cannois".
Le film de Mungiu est pourtant un sommet d'ennui, un machin assez creux qui fait passer le temps à coups de scènes d'une banalité sans nom. Une mise en scène racoleuse met en valeur les aspects les plus sordides du scénario : vous voulez voir un avortement sauvage et un foetus mort en gros plan? Vous l'aurez. Vaguement provocateur, le jeune metteur en scène "ose" des choses qui ne choqueront que les bien-pensants, joue avec les contrastes d'une façon salement binaire, et montre à chaque seconde qu'il se prend pour un auteur. Cannes est tombé dans le panneau ; certains spectateurs-pigeons aussi ; ne vous laissez pas attraper par ce monument de racolage actif qui ne vaut pas les derniers grands petits films du cinéma roumain.
3/10