Il en faut, du courage, pour entrer dans la nouvelle oeuvre d'Olivier Assayas. Le réalisateur français nous propose une nouvelle plongée clinique dans un univers totalement perméable. D'où la sensation inconfortable du métal froid sur la peau. La première partie de Boarding gate voit se dérouler le règlement de comptes oral d'un plus ou moins ex-couple toujours habité par une relation perverse. Un enchaînement de longs dialogues, superbement filmés, d'où émerge l'air de rien la peinture minutieuse et envoûtante d'une passion unique. Asia Argento et Michael Madsen ont toujours été des acteurs excessifs ; rien n'a changé ici, mais leurs froncements de sourcils insistants et leur façon de débiter la moindre banalité comme s'il s'agissait de vers raciniens trouve dans Boarding gate une résonance particulière. C'est inexplicable? Oui. Ça peut rebuter? Complètement. Et c'est pour ça que c'est bon.
Arrive la seconde moitié du film ; là, Assayas bascule dans un thriller simple et moderne, à la fois très proche et si éloigné du hi-tech rocailleux de Demonlover. Il y a là-dedans un véritable suspense, mais aussi un éloge bien pesé de la solitude, vue comme un art de vivre, une façon d'être, et un véritable atout. Jusqu'à son dénouement très classieux, Boarding gate instillera son venin dans le corps des naufragés volontaires. La mise en scène imperturbablement agile d'Assayas fait le reste. Quelquefois, la magie se passe de mots.
9/10