C’est lui qui fera le premier connaître en France les Upanishad et le Zend-Avesta. Oui il fut le premier indianiste et aussi le premier historien des religions à aller en Inde. Anquetil-Duperron
est en fait un savant, un érudit, qui très jeune décidera de partir en Inde. Dans le récit qui va suivre, vous lirez les aventures de ce savant en Inde. Mais Anquetil-Duperron n’est pas qu’un
savant ! C’est une forte personnalité, presque une forte tête, en tout cas un homme au caractère difficile qui fait ce qu’il a décidé de faire.
Voilà un récit absolument passionnant, le récit d’une passion savante qui vient en Inde pour en comprendre et en ramener des trésors. Si l’on prend du recul, il fait partie des débuts du
mouvement indianiste, de ceux qui feront connaître l’Inde en Europe, ouvrant la voie au début du XIX° siècle à ce que l’on a appelé la Renaissance de l’orientalisme, mouvement qui partit
d’Allemagne et qui embrasa l’Europe. On le verra dans un autre article, mais nombre d’intellectuels français de l’époque (Victor Hugo, Michelet, Lamartine) réagirent à cette découverte de
l’Inde.
Anquetil-Duperron fut un indianiste, un savant, un voyageur, un homme épris de liberté et qui écrivit des traités de politique et enfin un écrivain de talent.
Nous vous invitons à suivre le parcours de sa vie.
Né à Paris en 1731, il avait fait des études classiques à la Sorbonne, y avait appris l'hébreu, puis, remarqué par Mgr de Caylus, était entré à son séminaire d'Auxerre, avait enfin complété ses études dans les refuges jansénistes de Hollande à Rhynwijk et Amersfoort, où il avait été initié à l'arabe et au persan. Il gardera de cet enseignement janséniste, non des positions théologiques, mais l'esprit de rigueur et la sévérité du régime de vie. Revenu à Paris en 1752 il fréquente assidûment la Bibliothèque du Roi. Il en explore les fonds orientaux.
« En 1754, j'eus occasion de voir à Paris quatre
feuillets zends calqués sur un manuscrit du Vendidad Sadé qui est à Oxford. Sur le champ je résolus d'enrichir ma patrie de ce singulier ouvrage ». C'est ainsi qu'Anquetil-Duperron
rapporte sa décision de partir pour l'Inde pour une quête de pure connaissance scientifique. Il avait à peine vingt trois ans. Il part l’année même ou Dupleix est révoqué et rappelé en
France.
Il pouvait obtenir une mission. Il avait des protecteurs puissants auxquels il avait soumis son projet : l'abbé Sallier à la Bibliothèque du roi, l'abbé Barthélemy, Jean-Pierre de Bougainville,
frère du navigateur, à l'Académie des Inscriptions et Belles-lettres, le Comte de Caylus, Etienne de Silouhette, commissaire du Roi auprès de la Compagnie des Indes. Mais une grande volonté
d'indépendance, l'impatience qui est son moindre défaut, lui font décider de se débrouiller seul. A l'insu de tous, même de sa famille, il s'enrôle comme simple soldat dans une compagnie en
partance pour l'Inde. En arrivant à Lorient il apprend qu'il est remis de son engagement, gratifié d'un passage sur un vaisseau de la Compagnie des Indes et doté d'une modeste pension. Ses
protecteurs avaient compris sa folie et agi à son insu.
Il descend à terre à Pondichéry le 10 août 1755. Il surprend la petite colonie française d'administrateurs, de militaires, de négociants, de missionnaires par la mission qu'il s'est donnée et
surtout par son caractère obstinément individualiste. Il s'échappe vite de cette société, gagne Chandernagor, trouve là une société semblable, qui, de plus, est sur le pied de guerre. Français et
anglais se disputaient âprement l'emprise du Bengale. Il s'échappe de nouveau, la veille de la prise du comptoir français par les Anglais.
Seul, il regagne Pondichéry en suivant la côte orientale de la péninsule indienne, traversant de nombreux états, souvent démuni de passeport, forçant des douanes et des postes de garde, pistolet
au poing. A Pondichéry il retrouve son frère, Anquetil de Briancourt qui vient d'entrer au service de la Compagnie des Indes, comme chef de comptoir à Surate. Tandis que Anquetil de Briancourt
continue vers Surate par la mer pour prendre son poste, Anquetil Duperron s'attarde à parcourir le Kerala pour enquêter sur les communautés chrétiennes et juives de cette région, puis explore par
terre la côte occidentale de l'Inde, traversant de nouveau de multiples états, franchissant de multiples frontières, souvent sans passeport, parfois soupçonné d'espionnage, arrêté, relâché,
n'ayant jamais que des appuis incertains, victime de fièvres et d'une gamme de maladies dont on ne peut faire le compte.
Il atteint Surate le 1er mai 1758. C'est le plus grand centre du commerce de l'Océan indien. Il contient une population très diverse, d'indous, de musulmans et de parsis, émigrés de Perse après
la conquête islamique et pratiquant encore la religion de Zoroastre.
A SUIVRE