La construction de l espace judiciaire européen par l adoption de nouveaux mécanismes visant à la simplification des procédures
Publié le 15 juin 2009 par Gopal
L'élaboration d'un espace judiciaire européen au sein duquel les décisions rendues par les tribunaux des Etats membres sont reconnues et déclarées exécutoires selon des procédures simplifiées va de paire avec la construction toujours plus avancée d'un espace économique transfrontalier. A cet égard, plusieurs instruments juridiques européens existent désormais. 1) Le règlement du Conseil européen n°44/2001 du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale Ce règlement a facilité la mise en œuvre des décisions, rendues par les juridictions d'un Etat membre, sur le territoire d'un autre Etat membre. Ce texte dispose en effet en son article 33, alinéa 1, que « les décisions rendues dans un Etat membre sont reconnues dans les autres Etats membres, sans qu'il soit nécessaire de recourir à aucune procédure », tandis que l'article 36 précise qu'« en aucun cas, la décision étrangère ne peut faire l'objet d'une révision au fond ». C'est ainsi un mécanisme de reconnaissance automatique des décisions « européennes » qui a été instauré. Une décision peut toutefois et par exception ne pas être reconnue si, notamment, « la reconnaissance est manifestement contraire à l'ordre public de l'État membre requis [celui auprès des juridictions duquel la reconnaissance est demandée] » ou si « la décision est inconciliable avec une décision rendue entre les mêmes parties dans l'État membre requis », en application des alinéas 1 et 2 de l'article 34. Sauf exception, une fois reconnue, la décision fera l'objet d'une demande d'exécution. A cette fin, l'article 38 prévoit que « les décisions rendues dans un État membre et qui y sont exécutoires sont mises à exécution dans un autre État membre après y avoir été déclarées exécutoires sur requête de toute partie intéressée ». Force est de souligner qu'une décision doit ainsi, et au préalable, nécessairement être exécutoire dans le pays d'origine pour pouvoir prétendre à son exécution à l'étranger. Une requête à fin d'apposition de la formule exécutoire (procédure non contradictoire) doit donc être présentée au greffier en chef du Tribunal de grande instance dont la compétence territoriale est déterminée par le domicile de la partie contre laquelle l'exécution est demandée, ou par le lieu de l'exécution. Le greffier rend alors une « déclaration constatant la force exécutoire » de la décision qui devra être signifiée ou notifiée à la partie contre laquelle l'exécution est demandée, accompagnée de la décision si celle-ci n'a pas encore été signifiée ou notifiée à cette partie. Se déroule enfin le processus d'exécution lui-même, soumis aux règles locales du pays d'exécution. Une importante avancée avait donc déjà été effectuée en posant le principe de reconnaissance de plein droit des décisions rendues par une juridiction et en simplifiant la procédure d'obtention de la formule exécutoire pour une décision étrangère. 2) Le règlement n°805/2004 du 21 avril 2004 portant création d'un titre exécutoire européen pour les créances incontestées Forts de cette évolution, le Parlement et le Conseil européens ont élaboré ensuite un deuxième règlement n°805/2004 du 21 avril 2004 portant création d'un titre exécutoire européen pour les créances incontestées : il s'agit de la toute première suppression de l'exequatur dans les domaines des droits civil et commercial. Ce règlement a le même champ matériel d'application que celui de 2000, excluant notamment l'arbitrage, les faillites, les matières fiscales, douanières ou administratives. D'un point de vue territorial, ce texte s'applique, comme le règlement de 2000, à l'ensemble des Etats membres, le Danemark mis à part ; il est applicable depuis le 21 octobre 2005. Son objet est d'assurer entre les Etats membres la libre circulation des décisions, transactions judiciaires et actes authentiques qui concernent des créances incontestées. Il s'agit ici d'apprécier le terme « incontestées » afin de ne pas se méprendre sur l'étendue de ce règlement qui ne constitue en rien un mécanisme général visant à rendre exécutoire l'ensemble des décisions rendues par un Tribunal d'un Etat membre. Ce règlement recouvre seulement quatre types de situations bien précises : - la créance que le débiteur a « reconnue en l'acceptant ou en recourant à une transaction approuvée par une juridiction ou conclue devant une juridiction au cours d'une procédure judiciaire », ainsi que la créance « expressément reconnue dans un acte authentique » (article 3, alinéa 1, d) ; - la créance à laquelle le débiteur ne s'est « jamais opposé conformément aux règles de l'Etat membre d'origine, au cours de la procédure judiciaire » (article 3, alinéa 1, b). Il peut par exemple s'agir d'un défaut de comparution ; - la créance résultant d'un jugement rendu à l'issue d'une procédure au cours de laquelle le débiteur, « après l'avoir initialement contesté, n'a pas comparu ou ne s'est pas fait représenter lors d'une audience relative à cette créance » (article 3, alinéa 1, c) ; - la créance que le débiteur a reconnu dans un acte authentique (article 3, alinéa 1, d). Lorsqu'il s'agit d'une créance reconnue dans une décision de justice (article 3, alinéa 1, b et c), la procédure doit avoir respecté certaines normes minimales s'agissant du respect des droits de la défense (information du débiteur de l'existence d'une instance, mentions obligatoires contenues dans l'acte introductif et possibilité de réexamen par une juridiction de l'Etat d'origine en cas d'absence du débiteur sans faute de sa part). Elle doit au préalable avoir été déclarée exécutoire dans l'Etat d'origine pour bénéficier des dispositions du règlement. Pour les décisions constatant des créances rentrant dans les catégories envisagées, l'exequatur, qui traditionnellement relève des Tribunaux de l'Etat requis, est remplacé par un certificat délivré par la juridiction de l'Etat d'origine elle-même, rédigé dans sa langue et dont les conditions de délivrance sont déterminées par son droit interne : là réside l'avancée du texte. Le processus d'exécution est ensuite soumis aux règles locales de l'Etat membre requis. Un refus d'exécution peut seulement être opposé en cas d'existence d'une décision antérieure inconciliable rendue dans l'Etat membre d'exécution ou dans un autre Etat et remplissant les conditions nécessaires à sa reconnaissance dans l'Etat membre d'exécution. 3) Le règlement no1896/2006 du 12 décembre 2006 instituant une procédure européenne d'injonction de payer en matière civile et commerciale Dans la droite ligne des règlements précédents, une procédure d'injonction de payer en matière civile et commerciale européenne a vu le jour récemment ; il s'agit du règlement no1896/2006 du 12 décembre 2006 qui sera applicable à compter du 12 juin 2008. Cette nouvelle procédure est facultative, le créancier étant libre de décider d'avoir recours à une injonction de payer européenne ou à une autre procédure prévue par le droit d'un Etat membre ou par le droit communautaire. Il s'agit d'une procédure de recouvrement de créances pécuniaires liquides, exigibles et incontestées, sans limitation de montant. Seules les créances pécuniaires qui peuvent s'exprimer par un montant chiffré peuvent en faire l'objet. La procédure, non contradictoire, est initiée par le demandeur devant la juridiction compétente, en application des règles de droit communautaire ; le ministère d'avocat n'est pas obligatoire. La demande d'injonction de payer européenne est présentée sous forme d'un formulaire type. L'article 7 du règlement énumère les éléments qui doivent figurer dans la demande d'injonction de payer, et notamment l'identification des parties, le montant et la description de la créance... A défaut, la demande est rejetée. Lorsque le défendeur a reconnu la créance totalement ou en partie ou ne l'a contestée ni en tout ni en partie dans le délai imparti, la juridiction, à l'aide d'un formulaire type émet l'injonction de payer d'office. Cette injonction de payer est en principe émise dans les meilleurs délais et à défaut dans les trente jours qui suivent le dépôt de la demande. La décision de la juridiction ou de l'autorité compétente est notifiée au défendeur qui peut soit se conformer, soit s'opposer à l'injonction de payer. Dans le cas où il ne réagit pas, l'injonction devient exécutoire. L'injonction est alors signifiée au défendeur et exécutée selon les procédures existantes dans l'état membre d'exécution. Le défendeur peut former opposition à l'injonction de payer européenne auprès de la juridiction qui l'a émise dans un délai de trente jours à compter de la date de sa signification : il n'est exigé de lui aucune autre explication ni la présentation d'arguments de fait et de droit ainsi que d'éventuels éléments de preuve. Si le défendeur a fait valoir son droit d'opposition, la procédure se poursuit devant les juridictions compétentes de l'Etat d'origine, en conformité avec les règles de la procédure ordinaire. Toutefois, cette possibilité est fermée lorsque le demandeur a clairement manifesté son opposition au passage à la procédure ordinaire. 4) Le règlement européen n°861/2007 du 11 juillet 2èglement no1896/2006 du 12 décembre 2006 007 créant une procédure européenne de règlement des petits litiges transfrontaliers Denier instrument juridique en date, le règlement européen n°861/2007 crée une procédure de règlement des petits litiges transfrontaliers en vue d'en simplifier, d'en accélérer le règlement et d'en réduire le coût. Ses dispositions seront applicables au 1er janvier 2009. La procédure est en principe écrite, sauf décision contraire de la juridiction et la représentation par un avocat n'est pas obligatoire. Cette procédure pourra être utilisée, parallèlement aux procédures internes de chaque Etat membre, pour des litiges transfrontaliers en matière civile et commerciale, lorsque le montant de la demande ne dépasse pas 2.000 euros. Le demandeur introduit la procédure en remplissant un formulaire-type auquel il joint les éléments de preuve à l'appui de ses prétentions et en l'adressant directement à la juridiction compétente ; le défendeur dispose ensuite de trente jours pour répondre et le demandeur de même en cas de demande reconventionnelle. Une décision est rendue dans les trente jours et est automatiquement reconnue dans un autre Etat membre, sans qu'il soit possible de contester cette reconnaissance. La décision est exécutoire, nonobstant un recours éventuel. Reconnaissance automatique, suppression progressive de l'exequatur, créations de procédures simplifiées et adaptées, l'Union européenne n'a ainsi de cesse de développer des mécanismes juridiques visant à améliorer la construction d'un espace judiciaire européen.