Magazine Juridique
Recrutement des salariés et collecte d'informations personnelles
Publié le 22 juillet 2009 par Gopal
L'article L. 1121-1 du Code du travail énonce le principe selon lequel « nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ». Le champ d'application de ce principe n'est pas limité aux relations entre employeurs et salariés mais s'étend aussi aux cabinets de conseil en recrutement, aux intermédiaires intervenant dans la phase de recrutement. 1° Les informations demandées L'article L. 1221-6 du Code du travail précise la nature des informations qui peuvent être demandées à un candidat à un emploi : elles « ne peuvent avoir comme finalité que d'apprécier sa capacité à occuper l'emploi proposé ou ses aptitudes professionnelles. Ces informations doivent présenter un lien direct et nécessaire avec l'emploi proposé ou avec l'évaluation des aptitudes professionnelles. Le candidat est tenu de répondre de bonne foi à ces demandes d'informations ». Cet article encadre donc la nature des informations qui peuvent être demandées aux candidats et aux salariés en les soumettant à deux conditions cumulatives : une condition de finalité et une condition de lien nécessaire avec l'emploi. Ces conditions s'appliquent à tous les supports de recherche d'information (tests, questionnaires, logiciels...) et également aux entretiens individuels, ainsi que le rappelle la circulaire du ministère du Travail n° 93-10 du 15 mars 1993 traitant de l'application des dispositions relatives au recrutement et aux libertés individuelles. A) La finalité des informations Afin d'éviter que les informations demandées aux candidats ou aux salariés ne portent atteinte à leur vie extra-professionnelle, le texte prévoit que ces informations ne peuvent avoir comme finalité que d'apprécier sa capacité à occuper l'emploi proposé ou ses aptitudes professionnelles. Sont simultanément visées les procédures de recrutement mais aussi les méthodes d'évaluation professionnelle des salariés. L'appréciation de la capacité professionnelle du candidat ou du salarié s'étend à ses compétences, à ses connaissances techniques mais aussi à ses facultés d'adaptation et porte sur les éléments de personnalité du candidat permettant d'apprécier ces qualités. B) Le lien des informations demandées avec l'emploi A titre d'exemple, il ne peut en principe être demandé à un candidat ou à un salarié des renseignements portant sur son état de santé, sur sa vie sexuelle, sur son logement, sur la profession des parents ou du conjoint ou encore sur ses loisirs. En revanche, il se peut qu'une fois recruté, il puisse être utile de solliciter auprès du nouveau salarié des informations sur sa vie familiale (nombre d'enfants, par exemple) ou sur son logement afin qu'il bénéficie de certains avantages offerts par l'entreprise. Dans une telle hypothèse, si les informations demandées ne répondent pas à ces conditions, aucune conséquence ne peut être tirée de l'absence de réponse ou du caractère inexact ou erroné de la réponse émanant du candidat ou du salarié. Est dès lors abusif le licenciement d'un salarié qui avait omis de mentionner, lors de l'embauche, des éléments portant sur sa vie extra-professionnelle qui ne présentaient pas de lien direct et nécessaire avec l'emploi proposé (qualité de prêtre ouvrier). Les principes énoncés s'appliquent également aux informations demandées au bénéficiaire d'un bilan de compétence (C. trav. article. L. 6313-10) et au candidat à un stage ou à un stagiaire (C. trav. article L. 6313-1). 2° Méthodes et techniques d'aides au recrutement ou d'évaluation L'article L. 1221-8 du Code du travail pose le principe d'une obligation de transparence et de pertinence s'agissant des méthodes et techniques d'aide au recrutement et d'évaluation professionnelle afin d'éviter les abus auxquels ont donné lieu certaines de ces pratiques. A) Transparence Le premier alinéa de l'article L. 1221-8 du Code du travail dispose que « Le candidat à un emploi est expressément informé, préalablement à leur mise en œuvre, des méthodes et techniques d'aide au recrutement utilisées à son égard ». L'obligation d'information préalable – qui s'impose à l'employeur comme aux intermédiaires de recrutement – est considérée comme remplie dès lors que l'intéressé a eu connaissance, avant que ne commence l'entretien de recrutement, des méthodes et techniques qui seront utilisées à son égard ou bien dès lors qu'il a été informé de la technique employée, soit directement, soit par l'intermédiaire de l'annonce d'offre d'emploi (Circ. 15 mars 1993 préc.). Quels que soient les tests et méthodes ou techniques utilisées, les résultats obtenus doivent demeurer confidentiels. Il s'agit là d'une confidentialité à l'égard des tiers qui n'est pas opposable aux intéressés : ceux-ci peuvent avoir accès sur leur demande aux résultats. Lorsque le recrutement est assuré par un intermédiaire, l'entreprise peut avoir accès aux résultats (Circ. 15 mars 1993 préc.). B) Pertinence Le second alinéa de l'article L. 1221-8 du Code du travail dispose que « Les méthodes et techniques d'aide au recrutement ou d'évaluation des salariés et des candidats à un emploi doivent être pertinentes au regard de la finalité poursuivie ». Si le texte n'institue pas un principe de validité scientifique des méthodes employées, il impose un degré raisonnable de fiabilité. Ainsi, le recours à des techniques présentant une marge d'erreur importante ne serait pas conforme au texte. En cas de litige, il appartient au juge d'apprécier la pertinence de la méthode utilisée. Par ailleurs, selon la CNIL, en application du 2ème alinéa de l'article 2 de la loi « Informatique et libertés » du 6 janvier 1978, aucune sélection de candidature impliquant une appréciation sur un comportement humain ne peut avoir pour seul fondement un traitement informatisé donnant une définition du profil ou de la personnalité du candidat, ce qui semble condamner l'utilisation de certains logiciels de systèmes experts. 3°) Information et consultation du comité d'entreprise S'agissant des candidats à un emploi, le comité d'entreprise doit être informé, préalablement à leur utilisation, des méthodes ou techniques d'aide au recrutement ainsi que sur toute modification de celles-ci, en application de l'article L. 2323-32 du Code du travail. Ce texte organise une information du comité d'entreprise sur ces méthodes et techniques. Il s'agit des procédures, des tests et de tous moyens visés à l'article L. 1221-8 permettant à l'employeur de s'assurer de l'adaptation des candidats aux emplois proposés ou de leur aptitude professionnelle. S'agissant des salariés de l'entreprise, le comité d'entreprise doit être informé, préalablement à leur introduction dans l'entreprise, sur les traitements automatisés de gestion du personnel et sur toute modification de ceux-ci. En cas de recours à un intermédiaire en recrutement, les informations fournies comprendront, de la même manière, les méthodes et techniques utilisées par celui-ci. Le comité d'entreprise doit en outre être informé et consulté, préalablement à la décision de leur mise en œuvre dans l'entreprise, des moyens ou techniques permettant un contrôle de l'activité des salariés. Le deuxième alinéa de cet article concerne l'information du comité d'entreprise sur les traitements automatisés de gestion du personnel et sur toute modification de ceux-ci, préalablement à leur introduction dans l'entreprise. Cette information se cumule avec l'obligation de déclaration à la CNIL pour toute entreprise qui veut utiliser ou modifier un traitement informatisé d'informations nominatives (art. 16 et 17 de la loi Informatique et libertés du 6 janvier 1978). En pratique, la copie de cette déclaration sera fournie au comité.