Titre original : The Third Miss Symons
Traduit de l’anglais par Alexandra Lefebvre
Joëlle Losfeld
ISBN : 978 – 207 – 078 – 7647
Quatrième de couverture :
” Pourquoi est-ce que les gens ne m’aiment pas? ” se demande Henrietta. Vilain petit canard d’une famille victorienne de sept enfants, dont elle est la troisième fille, Henrietta ne possède ni la beauté ni l’art de se faire aimer par tes autres. Différente de ses frères et sœurs, elle ne s’entend pas avec eux. Elle trouve alors refuge dans un monde imaginaire, ce qui exacerbe son mauvais caractère et l’exclut un peu plus en éloignant d’elle les personnes qu’elle affectionne. Plus tard, alors que ses frères et sœurs sont mariés et ont des enfants, Henrietta va arpenter le monde en quête de quelque chose pour combler son manque affectif. Quel sera alors le destin de cette jeune fille dans une société où les femmes n’ont d’autre porte de sortie que le mariage et la maternité ? Avec ironie et un sens étonnamment moderne du récit, Flora M. Mayor scrute ce qui fait la réussite ou l’échec d’une vie, entre le poids des circonstances extérieures et la part de la responsabilité individuelle.
Flora M. Mayor est née en Angleterre en 1872 où elle est décédée en 1932. Véritable ” enfant littéraire ” de Jane Austen, elle fut remarquée et éditée par Virginia Woolf. Elle est l’auteur de trois romans, dont La troisième Miss Symons, publié pour la première fois en Angleterre en 1913, de nouvelles, et de poèmes, qui n’ont jusqu’à présent encore jamais été traduits en français.
Mon avis :
Publié pour la première fois en France, La troisième Miss Symons est le simple récit de l’histoire d’Henrietta Symons, cinquième enfant d’une famille qui comptera quatre filles et trois garçons. Son destin -s’il est possible d’employer un tel terme pour qualifier une existence aussi terne- est implicitement révélé dés les premières lignes du roman. Personne n’attend Henrietta.
Sa position centrale, et par là-même indistincte, dans le noyau familial, son absence de particularités physiques, morales ou intellectuelles, l’époque de sa naissance -l’Angleterre victorienne-, son milieu social -la petite bourgeoisie-, tout la prédestine à une vie plus ou moins en retrait. Cependant, et c’est là toute le brio, toute la cruauté de ce roman, ce n’est pas tant les circonstances extérieures qui condamneront Henrietta, ou Etta comme sa famille la nomme, à la solitude mais bel et bien les affres de son caractère.
Car il est bien question de caractère, les actions occupant une place tout à fait secondaire. Complètement à l’opposé des qualités morales et des archétypes de douceur, de prévenance, de compassion – l’Ange du Foyer victorien – vers lesquels toute jeune fille se devait de tendre, le caractère d’Henrietta est abrupte, égoïste, capricieux, irréfléchi. Elle est un personnage odieux et sot, envers qui il est difficile de ne pas ressentir de l’agacement tant elle gâche stupidement ses chances, prenant la mouche pour un rien, incapable de la moindre remise en question.
Pourtant, plus terrible encore que d’assister, impuissant, à la lente désintégration des possibilités de la jeune fille, il y a ces comparaisons avec l’évolution future des mœurs, laissant constamment entendre que, quelques années plus tard, les mentalités auront changées, et que si Henrietta Symons était née, ne serait-ce que vingt ans plus tard, son avenir aurait pu être tout à fait différent. La société dans laquelle elle évolue ne propose pratiquement aucune alternative au mariage, mis à part, peut-être, le métier d’institutrice, métier pour lequel Etta ne possède aucune disposition : elle n’est pas suffisamment brillante, mais surtout, elle manque de persévérance et son penchant naturel à la paresse la prive de cette opportunité.
Il n’y a aucun miracle à attendre, aucun secours ne sauvera in extremis Henrietta Symons de la cage qu’elle a grandement contribué à forger autour d’elle. La maturité et la vieillesse ne la verront pas grandir en sagesse, et elle restera une enfant perdue, bougonne, souhaitant désespérément aimer et perpétuellement frustrée dans son désir de partager cette réserve d’amour qu’elle a accumulé au fond d’elle-même.
Un roman plus lucide que cruel, et voyant le caractère de son anti-héroïne, on frémit, s’analysant nerveusement de crainte de se découvrir des points communs avec elle.
Pour aller plus loin :
Article de Wikipédia sur la condition féminine dans la société victorienne
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