Peur du virus du gars qui éternue dans le bus ou dans la rue, parce qu'on a peur du moindre rhume et du moindre bobo.
Peur de la mort, pourtant inéluctable, parce qu'on refuse notre condition de mortels. Et parce que de seconde en seconde il nous rapproche de la fin, peur du temps qui passe.
Peur du moindre aléa. Peur que la pluie inonde le jardin ; peur que l'orage bousille notre livebox, peur que le soleil nous donne le cancer de la peau et peur qu'il provoque la sécheresse. Peur
de la grêle qui va faire des trous dans les tables de camping et dans les pare-brise. Peur du vent qui va faire tomber les arbres et démolir les maisons. Peur de la neige qui provoque des
avalanches. Peur de la nature, de ces bestioles qui piquent, qui brûlent et qui mordent.
Peur du vide, qu'il faut remplir toujours par du bruit et du béton.
Peur du vol et du crime. Peur des autres.
Peur de prendre des risques ; donc peur de vivre, car la vie est en elle-même un risque. Mais il faut bien s'y cogner.
Alors on lutte comme on peut contre notre peur de tout, notre peur de la vie. Une lutte vaine.
On se vaccine à tour de bras, contre tout et n'importe quoi, sans réfléchir. On désinfecte, on aseptise, on blanchit, on javellise ; à grands coups de seringues en vrac, de masques, d'
"anti"bactériens et d' "anti"septiques, on se donne l'impression de lutter contre les virus et les petits rhumes.
On se munit d'une carte "vitale", qui nous donne l'illusion de s'assurer une vie longue et meilleure rien qu'avec une petite carte verte de quelques centimètres. On souscrit à des
"complémentaires santé", pour se donner l'illusion qu'on pourra mieux lutter contre la maladie et la mort.
On se tartine d' "anti"rides et autres crèmes miraculeuses pour nous donner l'illusion d'arrêter le temps ; on se lifte, se tire la peau, se sillicone seins et lèvres ; comme la
vieillesse nous rapproche de la mort, on préfère ne ressembler à rien plutôt que ressembler à une personne âgée. Avec des crèmes et des coups de bistouri, on se donne l'illusion de
pouvoir faire renoncer la Grande Faucheuse. Mais le Ciel n'a pas besoin d'attendre de nous mériter pour nous appeler.
On se gave de petites pilules magiques, "anti"douleur, "anti"biotique, "anti"spasmodique, "anti"diarrhéique, "anti"dépresseur, "anti"inflammatoire, bref "anti"-tout... En se droguant et en
s'anesthésiant contre le moindre petit pet de travers, on se donne l'illusion de résoudre nos problèmes et nos maux.
On souscrit à des "assurances vie" et autres "conventions obsèques". A grands coups d'assurance et de petites signatures sur des papiers, on se donne l'illusion de dominer l'Eternel ; on se
donne l'illusion que nous sommes les seuls maîtres de notre destin. On va même jusqu'à s'acharner pour reculer au maximum l'échéance, en maintenant en "respiration artificielle" des êtres réduits
à l'état de légumes. Et tels des légumes on essaie de les conserver le plus longtemps possible ; avec des tubes et des perfs, on se donne l'illusion que la vie continue. On
se rassure comme on peut. En s'acharnant.
On assure notre maison, notre voiture, notre camping-car, notre jardin et nos cultures. On souscrit à des assurances "tout risque". Ca nous donne l'illusion qu'on pourra toujours lutter contre la
nature et les phénomènes naturels.
On chasse, on traque et on organise des battues contre les animaux, on fait disparaître des espèces entières. En détruisant les autres espèces, en tuant gratuitement, on se croit
invinscibles.
On construit des immeubles pour vivre les uns sur les autres, on construit des autoroutes, des périphériques et des voies rapides pour faire le plus de bruit possible. Plus on s'entasse, plus on
se donne l'illusion d'échapper à notre solitude et plus on évite de se confronter à soi-même.
On édicte toujours plus de règles, de lois et de principes ; on installe à tout bout de champ des systèmes d'alarme et des "anti"vols pour se protéger des autres. L'Autre est une menace
potentielle, pas un ami.
On brandit des fusils et des flingues, tant pis si des innocents trinquent, dans les universités par exemple. Par la violence, on se donne l'illusion de lutter contre la violence des autres. Une
sinistre spirale. Homo homini lupus. L'homme est un loup pour l'homme. Triste constat.
On vit dans une société qui a peur de tout et de tout le monde, dans une jungle où le but du jeu est de trouver toujours plus de moyens pour lutter contre des choses contre lesquelles,
par définition, nous ne pouvons pas lutter.
On croit se protéger à grands coups d'assurances et de bidouillages de laboratoires en tout genre. Pour au final se retrouver tous dans le même état, au même endroit :
Un tas d'os ou de cendres sous la terre ou dans une urne.
Avant de mourir, ça serait bien de penser un jour à vivre sans avoir peur de la vie. Histoire d'en profiter pleinement puisqu'on sait qu'elle est toujours trop courte.
"Carpe Diem", vis sans te soucier du lendemain... Horace, reviens, ils sont devenus fous !