Le soleil se lève aux portes de l’Orient et Occident et Istanbul dévoile son visage et sa beauté dont elle est si fière. Le Bosphore fait scène de la danse complexe de tankers, bus de mer et de transporteurs de voyageurs au long cours entre la Mer Noire et la Mer de Marmara. Parfait reflet de la ville qu’il caresse sur son passage, ce détroit offre une image accueillante et paisible mais dont la puissance des courants rappellent le ‘chaos organisé’ d’Istanbul en perpétuel mouvement.
Sur la terre ferme, une nouvelle journée commence. Les marchands de Balik Pasaj préparent leurs étalages de légumes, de fruits et de poissons frais, un verre de thé à la main. Sur la rue piétonne d’Istiklal, les vendeurs de Döner mettent lentement en marche les broches de viande d’agneau et de poulet au rythme du cliquetis et des cloches du tramway vieux de plus d’un siècle. Les boutiques de primeurs préparent leur stock de fruits pour désaltérer les touristes d’un jus d’orange ou de carotte fraichement pressées pour seulement quelques Liras.
Sur le chemin du travail, les plus pressés enfilent, en guise de petit déjeuner, un Simit (pain au sésame) ou un Misir grillé ou à l’eau (maïs) acheté auprès d’un marchant ambulant tandis que les plus chanceux prennent le temps de déguster le traditionnel repas du matin composé d’œufs bouillis, de tomates, de fromage, de pain frais, d’olives, de concombres ainsi que de fruits et de confiture accompagné de thé.
Le long du pont Galata, la première dizaine de pêcheurs sont levés depuis l’aube et scrutent avec patience le moindre frétillement de leur canne à pêche tout en contemplant la Corne d’Or et la vieille capitale d’un empire qui jadis faisait trembler l’Europe. L’hiver, les adeptes de la pêche se retrouvent par centaine sur ce pont, attendant patiemment que le Bosphore leur apporte leur droit de pêche.
Au bout du pont, les bateaux brailleurs servent le poisson grillé dans du pain avec des tomates, de la salade et des oignons ou bien des moules et calamars frits.
Un peu plus loin, au pied de la Nouvelle mosquée – mosquée de la Sultane-Mère – vieille de 500 ans se dresse le marché aux épices où se mêlent les saveurs qui parfument la cuisine turque : piment, cannelle, cumin, safran, muscade, mais également dattes, figues, abricots et raisins secs, pistaches. C’est la caverne d’Ali Baba pour les aficionados de la cuisine à la recherche d’une touche méditerranéenne pour leur dernière création culinaire.
Avant d’entamer une partie de négociation dans les antres du Grand Bazaar, on trouve au détour d’une ruelle l’un des meilleurs Iskenders de la ville, un des traditionnels plats de viande composé de morceaux de pain recouverts de lamelles d’agneau et de sauce tomate et au beurre, accompagné de yaourt. Un vrai délice.
La Turquie est un le paradis pour les inconditionnels du yaourt. Devenu l’un des marchés les plus importants du pays, il accompagne la plupart des plats de viandes et de légumes ou se consomme comme boisson une fois diluée à l’eau salé – Ayran – faisant concurrence avec les grandes marques de soda.
Aux heures les plus chaudes, les adeptes de la vie douce et du temps qui passe envahissent les terrasses des cafés dans les ruelles ombragées, le narguilé à leur côté. Les parties de Backgammon s’enchainent les unes après les autres, bercées par le cliquetis des pions et la douce brise venue du Bosphore.
Sur les hauteurs de la ville, on vient en famille ou entre amis prendre un thé au café Pierre Loti. Le plus connu des écrivains français, qui rédigea notamment Pêcheur d’Islande, Propos d’Exil, ou Fantôme d’Orient, venait admirer la vue imprenable sur Sultanahmet, Haghia Sophia et Topkapi, le palais des Sultans d’où il tirait son inspiration.
Le soir, la jeunesse moderne Istanbuliote se retrouve à Nevizade où les serveurs regorgent d’imagination pour attirer la foule dans leur restaurant de poisson. Les assiettes de Mezze prennent place au centre des tables où chacun partage et se régale des spécialités de la cuisine turque : Patlıcan salatası (salade d’aubergine), Bakla Ezmesi (Hummus), Cacık (yaourt au concombre et à la menthe), Çerkez tavuğu (préparation de poulet aux noix), Midye Dolma (moules farcies), Çiğ Köfte (boulettes de viande crue au boulgour) ou encore Börek (couches de fin pate farcie au fromage ou légumes).
Une fois les hors d’œuvres dégustés commence la valse des plats de poissons tels que le barbun (rouget), levrek (cabillaud), mezgit (colin) servis généralement grillés. Les amateurs de viande se délectent de Kuzu Güveç (mijoté d’agneau), Hünkar Beğendi (purée d’aubergines à l’agneau), Köfte (boulettes de viande) ou encore Karnıyarık (morceaux d’aubergines et de viande grillées).
On termine son repas avec une assiette de fruit ou d’une petite douceur et le fameux café turc. Sa consistance est si dense que l’on peut prédire le futur dans son mare, une fois la tasse renversée et une pièce de monnaie posée dessus pour remercier les diseuses d’avenir.
Plus tard dans la nuit, tandis que les démons du rock et du hard métal viennent déguster leur shot de vodka à la noisette chez Dorock, les anges de la danse font vibrer le sol de Melek.
Fin de soirée à Taksim où les vendeurs de Kebap accueillent les estomacs vides tandis que l’aube n’est plus très loin. Les plus aventureux s’assoient autour d’une table à çiçek Pasaji chez Sampyon qui sert les meilleurs Kokoreç du coin tandis que les fêtards dégustent un dernier Dürüm sur le chemin du retour.