La guerre de Personne

Par Didier54 @Partages
Je ne voulais pas spécialement commémorer, même si instinctivement, la date a raisonné en moi. Je ne voulais pas spécialement. Mais un reportage m'est tombé sous les yeux. 11 septembre. Deux tours.
Le reportage était un mélange de témoignages et de docu fiction, comme on dit.Il s'attachait à raconter, montrer, comment les gens qui étaient dans le world trade center avaient vécu les minutes, les heures qui suivaient, comment certains avaient sur-vécus, et d'autres pas.
Et surtout comment toutes et tous n'avaient absolument aucune idée de ce qu'il se passait.
C'est cela qui m'a le plus impressionné, finalement. Image saisissante de cet homme qui décide de rester dans son bureau et d'attendre les conseils des sauveteurs. Tous ces collègues ont pris la fuite. Ses yeux près du téléphone. Ces plans sur la tour. Les secours qui ne savent plus. Les secours qui arrivent. Les secours qui savent et qui, pour certains, vont au charbon en sachant qu'ils n'en reviendront pas. Cet autre homme qui n'a pas non plus suivi ses collègues et qui est poursuivi, depuis, lui qui est toujours en vie, par un sentiment de lâcheté. Il a sauvé sa peau, pourtant. Mais sous la peau, ça le hante.
Il me souvient de ce 11 septembre. Ces moments que j'ai vécus figé devant mon écran de télé. Pétrifié. Horreur. Incompréhension. L'oeil incapable de décrocher. Conscience de quelque chose, dans mon salon, à des milliers de kilomètres de là.
Le reportage me disait soudain ce que je pensais tout bas. Parce filmé à hauteur de femmes et d'hommes brutalement arrachés à leur quotidien sans aucune explication. Parce que n'expliquant rien. Parce que tout était dit dans ce qui ne se disait pas, plus. Ces femmes et ces hommes terriblement seuls, chacun parmi d'autres. Face à leur instinct. Et même plus. Suffocants.
Le reportage montrait les réactions des uns, les actions des autres. La panique. La tétanie. Et surtout l'absence d'information. Ils ne savaient pas. Ils ne savaient rien. Ils ne savaient plus. Et je ne pouvais m'empêcher de penser : et moi, qu'est-ce que j'aurais fait, comment j'aurais été ? De quel bois ? De ceux qui se jettent par les fenêtres ? De ceux qui agissent et cherchent des solutions ? De ceux qui restent prostrés ? Impossible de répondre, évidemment. Et puis le faut-il ? A l'inverse, certitude : je hais cette forme de guerre, ce sentiment qu'on est attaqué par personneet que ce personne est quelqu'un. Cette idée m'est insupportable. Je hais le planqué et la menace permanente que cela peut générer.
Cela me renvoie à un échange que j'ai eu dernièrement dans le cadre de mon travail. Mon interlocuteur me disait que son obsession, c'était l'holocauste. Cette lancinante question : comment est-ce possible ? Comment des gens ont-ils pu faire ça ?
Le 11 septembre, j'y pense. Et je n'oublie pas.
Bonus Track. Demain il fera nuit, Gérard Manset.