Chères et chers collègues de l’ASPU,
Deux mois ont passé depuis que j’ai été arbitrairement enfermé dans ce quartier de « haute sécurité ». Actuellement nous sommes 73 détenus (sur une population de 6102 prisonniers), isolés dans cette zone de la prison nationale modèle, qui peut être considérée comme étant une « prison dans la prison », éloignée des autres cours et où nous n’avons droit qu’à une heure de soleil par jour.
Ici, je partage le sort non seulement de commandants guérilleros mais, aussi de narcotrafiquants reconnus et de chefs paramilitaires qui comme « Zeus » et « Niche » sont accusés d'être les auteurs de nombreux massacres d’hommes, de femmes et d’enfants sans défense. Heureusement, ces derniers se trouvent à un étage différent.
Chaque fois que je passe les portes de cette institution carcérale pour une audition ou une interview avec les médias, les impressionnants dispositifs de sécurité révèlent que suis considéré comme un accusé de très grand danger pour les autorités carcérales. « Le terroriste le plus dangereux des FARC », selon des paroles du président Uribe lui-même qui m'a condamné, sans être jugé, et a remercié le président mexicain Felipe Calderón pour sa collaboration à ma capture, même si les juges de garantie et d'appel ont insisté sur le fait que mon incarcération s'était produite en Colombie.
La véritable ironie est atteinte. Alors que le procureur me promet une peine de plus de quarante ans pour délit de rébellion et association pour commettre des délits à des fins terroristes, il protège au travers de la politique de « justice et paix » les véritables criminels, ceux qui ont semé la terreur dans tout le pays, en leur offrant de purger pour leurs dizaines d'homicides seulement 8 ans de prison, en échange de leur confession. Dans d'autres cas, la justice ne s’est même pas chargée d'eux et ils sont maintenus en totale impunité dans des emplois publics importants ou à de hauts postes de direction dans les forces armées.
Dans mon dossier on ne m’accuse pas d’avoir massacré des paysans à la tronçonneuse, de même que l’on ne m’attribue pas l’assassinat de jeunes provenant de secteurs populaires présentés ensuite comme des « faux positifs » ; on ne m'impute pas de traitements cruels, inhumains et dégradants contre qui que ce soit; et on m’accuse encore moins de crime contre l’humanité : au contraire, on m’accuse « d’incitation au terrorisme » pour avoir dénoncé ces faits et dévoilé la responsabilité de l'État colombien et des Forces armées dans ces crimes: Je suis accusé d'être un terroriste car je soutiens dans mes écrits dans des forums publics, que les FARC sont une réponse historique aux multiples violences de l'État, parce que dans ce pays, il y a un décret présidentiel disant qu’il n'existe pas de conflit armé, bien que le nombre de déplacés par la violence dépasse déjà 4 millions de personnes.
Par le passé ce même genre d’accusations avaient été portées contre des professeurs universitaires renommés comme le sociologue Alfredo Correa, qui avait été accusé d'être un « idéologue des FARC » ; dans ce cas les fausses inculpations provenaient d'informations fournies par les organismes mêmes de renseignement de l'État, concrètement du DAS [Département Administratif de Sécurité], institution qui dépend directement de la Présidence de la République. Bien que son innocence ait pu être confirmée durant son procès, le droit à la vie ne fut pas garanti au professeur Correa : quelques semaines après sa libération, il était assassiné dans les rues de Barranquilla.
Malheureusement, cette politique de harcèlement contre l’université colombienne n'est pas une chose du passé, au contraire elle s’est amplifiée avec la mal nommée politique de « sécurité démocratique ». William Javier Díaz est un exemple de ces machinations, membre du Taller de Formación Estudiantil Raíces [TJER-Atelier de Formation Estudiantine Racines], qui pendant plus d’une décennie a développé des séminaires sur la pensée sociale à l'Université Pédagogique et à l'Université de district « Francisco José Caldas », avec l’aide d’universitaires et de chercheurs reconnus, aujourd'hui il est victime d'un même montage juridique, par lequel, selon la base de sombres archives d'un ordinateur soi-disant saisi sur la guérilla, il est présenté comme un militant des FARC.
De cette manière l'État projette de nous punir et de punir tous ceux qui considèrent que les étudiants doivent être en contact permanent avec les problèmes sociaux non seulement du passé mais aussi du présent ; que les futurs professionnels doivent rester en contact avec les tenaces et dures réalités d'un pays continent qui semble aujourd'hui se réveiller après des années de léthargie.
L'université, qui est le centre par excellence de la production et de la circulation de la pensée critique, ne peut pas céder à cette intimidation, en se protégeant derrière une supposée neutralité de la théorie, ni en s’abritant dans la tour d'ivoire d'une connaissance d'experts étrangère à tout engagement avec la réalité sociale, les libertés de la pensée et de l'expression - le professeur universitaire également militant des droits humains, Héctor Abbé Gómez, écrivait - « C’est un droit durement conquis par des milliers d'êtres humains à travers l'histoire, un droit que nous devons conserver. L'histoire démontre que la conservation de ce droit requiert des efforts constants, souvent des combats, et parfois, des sacrifices personnels ».
Malheureusement, cette politique de harcèlement contre l’université colombienne n'est pas une chose du passé, au contraire elle s’est amplifiée avec la mal nommée politique de « sécurité démocratique ». William Javier Díaz est un exemple de ces machinations, membre du Taller de Formación Estudiantil Raíces [TJER-Atelier de Formation Estudiantine Racines], qui pendant plus d’une décennie a développé des séminaires sur la pensée sociale à l'Université Pédagogique et à l'Université de district « Francisco José Caldas », avec l’aide d’universitaires et de chercheurs reconnus, aujourd'hui il est victime d'un même montage juridique, par lequel, selon la base de sombres archives d'un ordinateur soi-disant saisi sur la guérilla, il est présenté comme un militant des FARC.
De cette manière l'État projette de nous punir et de punir tous ceux qui considèrent que les étudiants doivent être en contact permanent avec les problèmes sociaux non seulement du passé mais aussi du présent ; que les futurs professionnels doivent rester en contact avec les tenaces et dures réalités d'un pays continent qui semble aujourd'hui se réveiller après des années de léthargie.
L'université, qui est le centre par excellence de la production et de la circulation de la pensée critique, ne peut pas céder à cette intimidation, en se protégeant derrière une supposée neutralité de la théorie, ni en s’abritant dans la tour d'ivoire d'une connaissance d'experts étrangère à tout engagement avec la réalité sociale, les libertés de la pensée et de l'expression - le professeur universitaire également militant des droits humains, Héctor Abbé Gómez, écrivait - « C’est un droit durement conquis par des milliers d'êtres humains à travers l'histoire, un droit que nous devons conserver. L'histoire démontre que la conservation de ce droit requiert des efforts constants, souvent des combats, et parfois, des sacrifices personnels ».
En Colombie, l'Association Syndicale des Enseignants Universitaires a été un instrument de défense de ce droit, en préservant par son combat l’« alma mater » [c’est-à-dire l’Université, du lat. mère nourricière, NdT], non seulement des barbares qui prétendent la faire taire en recourant à la violence et à la menace, mais en faisant face à la politique néolibérale qui cherche à l'asphyxier.
La généreuse solidarité que vous m'avez offerte durant ces deux longs mois de détention, confirme cet engagement que vous avez maintenu pendant des décennies au nom de la défense de l'éducation supérieure et que cette lutte concerne non seulement ma liberté mais aussi la liberté et le respect du travail scientifique et intellectuel.
Depuis ces quatre murs qui emprisonnent mon corps, mais pas ma pensée, je veux vous faire parvenir l’expression de mes sincères remerciements pour vos gestes de solidarité et de ma conviction que dans ce combat nous arriverons à nos fins, pour que dans le pays la pensée puisse circuler librement et qu’elle ne soit pas menacée par ces insensés qui aspirent à faire revivre les temps de l'inquisition, en condamnant au bûcher ceux qui comme nous expriment des idées et des opinions différents.
Accolade fraternelle.
Miguel Ángel Beltrán Villegas
Cárcel Nacional Modelo. Pabellón de Alta Seguridad
[Prison Nationale Modèle. Quartier de Haute Sécurité]
Bogotá, le 20 juillet 2009
Source TLAXCALA .....le site Basta! ........et Pétition en ligne