Hortefeux, scène de racisme ordinaire...

Publié le 10 septembre 2009 par Kasparov

Quand Brice Hortefeux dérape
envoyé par lemondefr. - L'info internationale vidéo.

La barbarie, lorsqu'elle acquiert sa perfection, sa forme achevée, se reconnaît à ceci qu'elle s'intègre avec aisance, facilité dans la quotidienneté. Oui, la barbarie règne en maître au moment même où elle s'intègre (puisque certains, décidément, aiment le mot) dans le cours le plus habituel, familier des choses. Alors elle triomphe ; elle montre la naturelle voracité de ses dents, entre fromage et dessert. L'erreur serait de croire que la barbarie a pour signification ultime d'être un cataclysme, un événement, une quelconque sortie hors de l'ordinaire.
L'Histoire n'enseigne que de manière biaisée, à vrai dire ; mais elle enseigne au moins ceci que les régimes les plus barbares n'ont existé que sur le fond anonyme d'une sorte de normalité qui en faisait justement l'inhumanité. C'est lorsque tout semble normal, justement, que le pire croît et s'épanouit. Rien ne fut plus normal, dans la logique nazie, que le camp d'extermination, extrêmement logique ou naturel aux yeux des bourreaux. Rien ne semblait plus évident que les purges staliniennes aux staliniens. Rien n'est plus de l'ordre de la vie quotidienne pour l'Etat d'Israël que le traitement en négation réservé aux apatrides palestiniens. Non pas que nous tenions ces types de barbaries pour identiques ; elles ne le sont pas. Mais il est évident que la barbarie ne se déploie jamais mieux que lorsqu'elle devient objet d'évidence. Il ne faut pas croire un seul instant que le pire de l'inhumanité s'est développé dans un contexte d'exception (même s'il peut y avoir, dans ce cas, les révolutions, les batailles, des décisions radicales qui emportent certains individus). Non, le pire s'est toujours développé dans une normalité d'inhumanité. Croyez bien que c'est lorsque rien n'est plus habituel au bourreau que de torturer sa victime que la majestueuse inhumanité se déploie. De là le peu de remords de ces bourreaux, qui bridaient, torturaient, exécutaient comme on se lave les mains avant d'aller dîner – pour la bonne cause.
Depuis quelques temps, j'essaye, comme je le peux, d'interroger les rapports entre le OFF et le ON, ici ou là. C'est qu'il y a en cela quelque chose de relativement nouveau - qui mettra du temps à manifester la nouvelle entente que la ''démocratie'' pourra en retirer - : l'homme politique contrôlait ; il contrôlait son image, ses mots, sa représentation. Ce qui expliquait que le peuple, avide, trop souvent, de paternalisme, se contentait de ce genre de prestation. Mais un temps relativement nouveau se fait voir, où les frontières entre l'intime et la représentation de spectacle, le discours de circonstance et la discussion entre copains, l'infâme et la langue-de-bois se dissolvent.
Ceci est la confusion du On et du Off, que les politiciens peinent de plus en plus à diriger, et qui ne manque pas de nous en apprendre des vertes-et-des-pas-mûres sur le fond des pensées d'un certain nombre d'entre eux, et sur le cynisme politique terminal des hommes de pouvoir.
Une vidéo de Brice Hortefeux et de Jean-François Coppé, qu'il faut voir avant toute discussion, est exemplaire. Le Off a heureusement vampirisé le On, un instant, un seul, et cela suffit pour cesser de prendre les vessies pour des lanternes. Au cas où quelques illuminés en doutaient encore.
Les nazis, eux aussi, avaient leur ''bon juif'', l'exception. On comprend mieux, alors, les propos du ministre selon lequel, face à un jeune militant de l'UMP semble-t-il d'origine arabe : '' Il en faut toujours un. Quand il y en a un ça va. C'est quand il y en a beaucoup qu'il y a des problèmes.''
J'ignore, pour ma part, ce que fut la dernière stupidité que j'ai eu l'honneur de prononcer. Mon avis est qu'elle ne date pas de Mathusalem. Mais pas un instant je ne l'échangerais contre une telle affirmation, dont le racisme est tout simplement avéré, éclatant, et même odieux. L'ambiance de festival humoristique et libéré de la vidéo, la complaisance de l'intéressé n'y changeront rien. Ce diable de Le Pen fut le premier à exhiber son bon beur, son bon black, ne serait-ce que pour jeter dans l'opinion le trouble – puisque l'on trouvera toujours un individu pour jouer ce rôle.
On ne peut que ricaner à l'écoute des communiqués de contre-attaque affirmant que Brice Hortefeux nous parlait en fait des Auvergnats... et non pas de ce vague arabe de l'UMP. Qui n'était pas ''typique'', qui bouffait du jambon et buvait, du reste, de la bière. Un arabe, certes, mais un gars comme il faut, quoi...
Dénonçons, bien entendu, une campagne de calomnie abomifreuse contre Brice Hortefeux, le pauvre. Une cabale montée de toute pièce. Et rappelons le soutient, dans cette terrible épreuve, du premier ministre.
J'aime le cochon et l'alcool ; je n'en démords point. Question d'habitude. Je lutterai contre quiconque m'empêchera d'y restaurer mon être physique, à moi, ne voyant en celui-ci qu'un dictateur. Et j'aime aussi le regard absolument libre de ma femme.
Mais jusqu'où la confusion s'étendra-t-elle de préférer la politique des Têtes de Turc à la politique de l'Humanité ? Qui comprendra, par ailleurs, dans ce galimatias ministériel, la différence entre arabe et musulman, musulman et taliban ? Suis-je donc un Croisé d'être français ? Suis-je un Inquisiteur ? Ou même un norvégien ?
La plus grande erreur serait de voir en cette scène de racisme ordinaire un événement quelconque, un faux pas de ces hommes politiques qui nous servent de penseurs. Détrompez-vous, si ce n'est déjà fait : il n'y a là rien de plus que la pensée sereinement barbare et sûre d'elle d'un ministre, son train-train d'inconscient soudain à ciel ouvert.
Rien d'extraordinaire. Une scène de racisme ordinaire, sirupeuse à souhait - une leçon de bon arabe (terme vague s'il en est), d'autant plus humiliante - et dont le seul malheur pour l'intéressé Hortefeux fut qu'elle devait rester intime.
ON/OFF.