Dans un
précédent billet, j’écrivais que la taxe carbone était assez mal engagée,
plus ça va, plus je me dis que c’est un doux euphémisme !
Certes, il y a un certain nombre de raisons à cela et la critique est
largement justifiée, mais je crains que cette polémique soit la nième
manifestation de l’éternel travers français qui consiste à avoir de faciles
consensus sur de belles et généreuses idées considérées généralement comme
preuves du génie français, mais que dès qu’il faut les concrétiser, les belles
idées, il n’y a plus personne.
Parce que c’est quand même étonnant, il y a peu encore, tout le monde, dans
un bel ensemble, clamait la nécessité de renchérir le prix de l’énergie fossile
afin d’inciter à des économies et à l’utilisation d’énergies de
substitution.
En 2007, 10 candidats dont Nicolas Sarkozy, Ségolène Royal, François Bayrou
et Marie-Georges Buffet on signé le Pacte Ecologique de Nicolas Hulot qui
prévoyait une contribution climat-énergie.
Le grenelle de l’Environnement, dans un superbe consensus, préconisait une
« contribution climat-énergie » certes sous condition de respect du
principe de neutralité fiscale.
Pourtant, la Taxe carbone est attaquée de toute part, 65% des français n’en
veulent pas (sondage Ifop pour Paris Match), le parti Socialiste lui tombe
dessus à bras raccourcis et même au sein de l’UMP ça grogne.
Ou est passé ce beau consensus ?...eh bien il n’a pas résisté à l’opposition
« pavlovienne » des uns et au manque de courage et de rigueur
politique des autres !
En fait de consensus, il semble surtout y en avoir un pour dégouter les
français d’agir contre le réchauffement climatique !
Tout d’abord, on remarquera que la « contribution climat-énergie »
s’est transformée en « taxe carbone ». Ce n’est peut-être que de la
sémantique puisque le principe sous-jacent est le même mais on ne peut
s’empêcher de penser que le terme « taxe » (prononcer ttttax) a un
effet psychologique désastreux à un moment ou les français commencent à en
avoir ras la casquette des « impôts et tttttax » !
Garder l’appellation « contribution » définie par tous les bons
dictionnaires comme étant « Ce que chacun donne pour sa part dans une
charge commune » eut été à mon avis plus heureux. Ce mot véhicule une
(fausse) impression d’équité et de volontariat qui le rend un peu moins
agressif que ttttax !
Il y a également eu la cacophonie à propos de l’affectation des sommes
prélevées qui a largement contribué à la rendre impopulaire. Nul n’ignore que
l’état des finances publiques étant ce qu’il est, l’Etat (c’est nous) a besoin
de sous. D’ici à le soupçonner de vouloir utiliser le fruit de cette tttax pour
renflouer ses caisses, il n’y a qu’un pas que beaucoup ont allègrement
franchis, bien aidé en cela par les suggestions diverses, variées et
manifestement irréfléchies qui ont été faites par les membres du Gouvernement
et certains membres de sa majorité.
Ce sentiment a été largement renforcé par l’idée démagogique et dangereuse
des Socialistes d’utiliser la « Tttax carbone » à des fins de
redistribution sociale, meilleure moyen d’en dégouter une partie de la
population (ceux qui payent et qui ne reçoivent pas), qui considèrera avoir
été, encore une fois, le dindon bio de la farce.
Comment voulez vous, dans ces conditions, que cette « taxe carbone »,
déjà handicapée par son nom, ne soit pas considéré comme un impôt nouveau
!
Et puis il y a cette idée, extrêmement ambigüe, d’une « taxe
fiscalement neutre » telle que l’a demandé le Grenelle de l’Environnement
et l'a allègrement repris notre Gouvernement !
Une taxe, pour peu qu’elle puisse être globalement « fiscalement neutre
», ce qui est déjà difficilement imaginable, ne le sera jamais
individuellement ! Et bien évidemment, le « fiscalement neutre »
qui intéresse la population ne peut-être qu'individuel !
Or, il est absurde de penser qu’une taxe puisse être fiscalement neutre pour
tout à chacun !
Il y a là une incompatibilité rédhibitoire ! Pour être fiscalement
neutre, il faudrait …reverser à l’identique ce qui a été prélevé !...c’est
grotesque !
Quelle idée naïve que de s’imaginer que l’on va pouvoir renchérir le cout de
l’énergie sans pénaliser les uns ou les autres et que chacun pourra récupérer
d’une main ce qu’il paye d’une autre !
Le laisser croire n’est que tromperie.
Parmi ses tares, il y a également son faible montant, politiquement plus
sur, mais écologiquement inefficace. Quelle efficacité peut donc bien avoir une
ttax de 17 euro la tonne ?
Comment peut-on imaginer modifier le comportement des automobilistes, des
routiers, des agriculteurs ou des pécheurs avec une augmentation de 4 centimes
par litre d’essence ?...vous allez acheter une voiture neuve pour économiser 4
centimes par litre, vous ?....vous allez changer votre chaudière pour
économiser 4,5 centimes par litre de fuel ?
On trouve déjà des différences qui peuvent aller jusqu’à 10 centimes d’une
station à essence à une autre !
Qu’est ce qu’une hausse de 2 % et demi alors que le baril de brut peut en
prendre ou en perdre 25 en 1 mois ?
Pour reprendre un exemple souvent évoquée, les Suédois qui ont mis une telle
taxe en place dès 1991, l’ont fixée d’entrée à 100 euros !
Alors certes, on parle de l’augmenter progressivement, mais cela veut dire
qu’il va falloir, à chaque hausse, réadapter les mécaniques de redistribution
en conséquence, avec toutes les négociations et les mécontentements que cela
suppose !
De plus, le risque est important qu’au fur et à mesure des augmentations, la
« neutralité fiscale » (globale) soit de plus en plus écornée par un
Etat toujours en mal de fonds !
Tout cela laisse penser que l’on va monter une usine à gaz pour un résultat
qui, il y a fort à parier, sera quasi-nul, faute d’avoir eu le courage
d’imposer un montant de contribution significatif !
Si on veut que les français continuent à adhérer au principe et acceptent
l’inévitable effort induit, il faut non seulement commencer par dire
explicitement « il y a un effort à faire par tous », il faut prouver que
les moyens mis en œuvres sont efficaces (au moins au niveau de la France parce
qu’au niveau mondial c’est une goutte d’eau dans l’océan) et il ne faut pas en
dévoyer la finalité !
Or c’est tout l’inverse qui a été fait !
Telle qu’elle est partie, la taxe carbone n’est pas bien née !
Dans un système fiscal déjà extrêmement complexe et omniprésent, au sein
duquel
pullulent les taxes, impôts, contributions, prélèvements et autres
ponctions en tous genres, ajouter un prélèvement même pour sauver la planète,
ne pouvait pas être accepté.
D’autant plus difficile à accepter que l’on promet une aberrante neutralité
fiscale qui ne peut que créer des frustrations pour tous ceux qui s’apercevront
que c’est peut être neutre pour leur voisin mais pas pour eux.
C’est l’idée même d’une taxe qui est probablement à remettre en cause, sauf
à ce qu’elle s’intègre dans un système fiscal entièrement refondu et simplifié.
Mais on ne peut pas dire qu’on en prenne le chemin, entre la taxe sur les
antennes relai qui s’annonce et le remplacement de la taxe professionnelle par
une « contribution économique territoriale » assise sur le foncier et
sur la valeur ajoutée dont Philippe Marini ne« comprend
pas comment ça tourne » !
Et si par-dessus le marché, on ne peut pas en prouver l’efficacité, il ne
faut pas s’étonner que l’idée ne soit pas particulièrement populaire.
Il eut mieux fallut organiser un système de bonus/malus généralisé qui
aurait eu l’intérêt d’être facilement compréhensible, d’être beaucoup plus
incitatif à modifier les comportements d’achat et donc de production des
industriels et de ne pas poser de problème de redistribution.
En attendant, il me semble que sur un sujet d’importance comme celui-ci, un
consensus politique est indispensable si on ne veut pas que ce soit l’idée même
de la lutte contre le réchauffement climatique qui soit rejetée par les
français.
Ainsi, plutôt que de rejeter en bloc une initiative contestable dans sa mise
en œuvre mais dont on approuve le sous-jacent, au risque de jeter le bébé
écologique avec l’eau trouble du bain politique, tous les Politiques
responsables de France devraient essayer de répondre à la question de savoir
quel est le moyen le plus efficace pour arriver au résultat espéré et arrêter
d’essayer d’utiliser la contribution-énergie pour vendre leur soupe !
De ce point de vue, j’ai aimé les propos de François Bayrou sur ce sujet
:
« J'adhère donc à l'idée que le moyen le plus efficace pour entraîner
nos compatriotes à des changements de comportements et de consommation moins
vorace en énergie, moins dangereux en rejet, ce sera de faire payer à nos
compatriotes un carburant qui coûtera son vrai prix, car il ne s'agit pas d'une
taxe pour augmenter artificiellement le prix du carburant, il s'agit de faire
payer au carburant son vrai prix en intégrant, dans ce prix, ce que va coûter à
la planète, à nos générations, à nos enfants, les erreurs que nous avons
commises en abusant de son usage. » (Extrait de son discours de clôture de
l’Université d’été du MoDem).
Espérons que, sur ce modèle, les politiques de tous bords, conscients de
leurs responsabilités, sauront s’imposer une pax carbone !