Suit deux autres paragraphes mais le premier suffit amplement pour me mettre en branle et, encore une fois, essayer de rendre le plus justement possible une lecture pour laquelle j’ai retirée peu de plaisir. Toujours par égard à tous ces potentiels lecteurs qui auraient un goût différent du mien. Ils peuvent être nombreux pour La foi du braconnier puisque les sujets étaient si loin de moi, à des lieux de mes intérêts. À commencer par la chasse, et par un braconnier. Pour les amateurs de chasse de gros gibiers, les descriptions sont détaillées et follement réalistes. Justes et pertinentes. Il est clair que l’auteur ne s’est pas fait raconter ces aventures et qu’il est lui-même un chasseur qui aime transcender les règles. D’ailleurs, le personnage principal porte le même prénom que l’auteur et la personne qu’il aime porte le même prénom que la femme à qui il dédie le roman.
J’ai trouvé au texte des allures de récit, un auteur racontant sa vie. Je soupçonne de l’autofiction non déclarée et je n’ai rien contre, je l’ai déjà déclaré ; j’aime l’autofiction. Mais cette fois, que s’en soit ou non, la sourde rage de l’homme qui chasse « qui tue des bêtes pour ne pas tuer des hommes » avait de ce quelque chose que je n’avais pas le goût d’entendre. Qu’il soit imbibé de ressentiment jusqu’à l’os, s’il est parmi d’autres personnages, j’assume le propos et même peut apprécier mais j'ai trouvé étouffant le tête-à-tête avec ce Marc amer au point de d'aiguiser son ressentiment aux lames de la haine : « Je ne veux pas de sourires étrangers ni de salutations polies. En général, je déteste les gens que je ne connais pas et je hais ceux que je finirai par connaître ».
C’est l’histoire de sa fuite, suivant les lettres « Fuck you » tracées sur une carte géographique. Quand on se fuit, c’est souvent que l’on se cherche. Ici, l’être cherche un idéal, soit se faire pape ou se perdre dans l’amour d’une femme. Il aima Emma dans l’instant où il l’a vit. Cependant, rien n’est simple avec les êtres torturés. Malgré cela, j’ai aimé l’entendre décrire son sentiment pour Emma, parce que Marc Séguin manie bien la langue, son écriture m’a plu et je m’y suis accroché pour les moments plus durs ou plus crus :
J'ai tiré sur la panse et les organes fumants. La dénivellation facilite l'écoulement du sang et la sortie des viscères. Un autre coup de couteau pour détacher le coeur, attaché au thorax par une toile, et aux poumons et au foie. Un autre coup pour le diaphragme, ou l'onglet, ainsi qu'on l'appelle quand c'est servi dans une assiette. Un dernier coup pour sectionner la trachée de l'intérieur. Tout sort. L'animal est vide. Il fume. C'est devenu une carcasse. Ça sent le sang.
Avis aux intéressés.
La Foi du braconnier est un premier roman pour Marc Séguin, LEMÉAC, 150 pages. Août 2009.