Dans une scène de 40 ANS TOUJOURS PUCEAU, Seth Rogen et Paul Rudd s'amusent au fameux et toujours très drôle jeu du "You Know How I Know You're Gay", jeu qui se termine par cette cinglante réplique : "You like Coldplay" !
Une réplique très symptomatique de l'image de Coldplay, probablement le plus grand groupe du monde, dans la pop culture actuelle. Depuis quelques années, le groupe de Chris Martin est en effet devenu le groupe à abattre, le groupe qu'il ne faut surtout pas aimer sous peine d'être taxé, au choix, de tapette et/ou de midinette. Que ce soit les amateurs de gros sons rock ou de sons indés un peu obscurs et expérimentaux, tous crachent sur ses mélodies proprettes et ses belles paroles sur l'Amour.
C'est lors de mon premier stage (comme vendeur à la FNAC!) en août 2000 que je les ai découvert : leur premier album PARACHUTES venait de sortir. Je n'écoutais pas trop ce genre de musique à l'époque mais j'avais l'impression que la plupart des gens "bien" aimaient Coldplay. Tous appréciaient la mélancolie de leur chanson et leurs mélodies entêtantes. En gros, on les aimait pour les mêmes raisons qu'on aimait Radiohead (l'ancien pas le nouveau post- Kid A évidemment) et franchement peu de gens avaient des choses à reprocher au groupe de Thom Yorke à cette époque...
Et puis un truc s'est passé. Une convection de plusieurs évènements qui ont rompu le lien sacré entre le groupe et les "branchés" de la musique. Il y a eu d'abord la sur-utilisation de leur musique dans tout ce que compte la télé de séries télé policières, de bandes-annonces et de publicités en tout genre. Forcément, les adeptes des groupes de rock aux dents pourris et aux cheveux sales n'apprécient guère ce genre d'opportunisme commercial qui fait beaucoup de bien au compte en banque. Surtout que les plus grassouillets des programmateurs de la bande FM, en grand amateur de Jack Malone et autres Gil Grissom, sautent sur l'occasion pour les jouer massivement entre les derniers tubes de Madonna et de David Guetta.
Et puis voilà que Chris Martin épouse Gwyneth Paltrow, icône de la blondeur fade avec qui il fonde un foyer tout ce qu'il y a de plus pépère. Chris déclare qu'il ne fume pas, qu'il ne boit pas d'alcool, qu'il pratique le yoga et, hérésie suprême, qu'il adore la pop bubblegum de Kylie Minogue ou des Girls Aloud. Passe encore d'être riche, toutes les rock-stars le sont. Passe encore les beaux sentiments dans les chansons, toutes les rock-stars le font pour plaire aux filles et se taper des groupies après les concerts. Mais impossible de laisser passer un mec qui prend soin de son corps et de son esprit. Une rock-star DOIT se droguer, détruire des chambres d'hôtel après s'être bituré au whisky et à la bière et baiser autant qu'il peut ou, à défaut, montrer un sérieux traumatisme psychologique (voir le sage mais suicidaire Ian Curtis de Joy Division). Transmis de génération en génération, le cahier des charges de la rock-star l'impose ! La légitimité doit obligatoirement passer par là pour faire oublier tout le reste, la mauvaise musique en premier.
Sauf qu'à mon avis, de la mauvaise musique, Coldplay est loin d'en faire. Tout au juste peut-on leur reprocher d'avoir fait le même album à trois reprises (PARACHUTES, A RUSH OF BLOOD + X&Y;), de ne pas s'être renouvelé. Je n'ai strictement rien d'un musicien mais j'ai l'impression qu'écrire de belles mélodies pop et arrangements est un exercice qui n'est pas à la portée de tous et, dans le genre, Coldplay le fait mieux que presque n'importe qui. Quant à la voix de Chris Martin, mélange du meilleur de Bono (l'énergie) et de Michael Stipe (la mélancolie), elle est exemplaire, y compris en live semble-t-il. Tous les groupes ne peuvent pas en dire autant.
Alors c'est vrai que Coldplay cumule les 3 pêchés impardonnables aux oreilles du Dieu rock : riche, sain et bien-pensant. Ils pourraient être sains et bien-pensants mais pauvres, ça passerait (voir Vampire Weekend). Il pourraient être riches et bien-pensants mais débauchés, ça passerait également (les Beatles, messieurs dames !). Ils pourraient être riches et sains mais provocateurs, ça passerait également (MGMT). Et au fait, qui a dit qu'il fallait être torturé et parler de choses tristes pour être un vrai artiste ? On a tous nos névroses et nos obsessions et elles n'ont pas forcément besoin d'être sordides pour être exprimées artistiquement, que ce soit en chanson, dans un film ou sur une toile...
De toute façon, qu'est-ce que tout ça a à voir avec la musique ? RIEN. C'est de l'image. Juste de l'image. Je suis bien d'accord que la pop culture n'est rien sans l'image mais elle est aussi faite d'une somme d'expériences individuelles de gens qui, tout d'un coup, embrassent un album, une chanson car ils s'y retrouvent. Et clairement, beaucoup de gens se retrouvent dans les chansons de Coldplay. Pas forcément les cyniques. Pas forcément les blasés. Juste des gens qui ont envie d'entendre des mots justes sur des sentiments simples et vrais sur fond de bonne musique.
Alors traitez-moi de midinette (ce que je suis clairement, il suffit de lire ce blog) mais moi FIX YOU, YELLOW, THE SCIENTIST ou TROUBLE, elles me donnent des frissons ces chansons quand je les écoute et c'est bien la seule chose qui compte pour moi...
Quant à vous, messieurs Paul Rudd, Seth Rogen et Judd Apatow, c'est pas vos répliques débiles qui me feront douter de mon hétérosexualité... ;)