A priori, Bienvenue à Cadavres les Bains n’a pas grand chose pour lui : outre le titre douteux et l’affiche peu engageante, ce film autrichien tombe au milieu d’une grosse programmation de rentrée, au moins sur le papier. Le plaisir est donc d’autant plus grand de se trouver à apprécier ce polar qui fait rire, horrifie, enchante aussi, mais surtout prend son temps.
L’histoire reprend un thème classique du genre : un « enquêteur » – ici, flic reconverti en recouvreur de dettes - débarque dans une campagne reculée et y reste le temps de résoudre le mystère local. Tous les ingrédients nécessaires sont donc au rendez-vous : accents impayables, climat hostile, pègre du coin à l’amateurisme effarant, fête à la saucisse – ou dans le cas présent au poulet, puisque notre héros débarque dans une auberge dont la spécialité est le poulet nourri aux restes des volailles servies la veille.
Le plus marquant dans le film de Wolfgang Murnberger n’est donc pas l’intrigue, qu’il est aisé de démêler. Celle-ci est plutôt un terrain de jeu que le réalisateur viennois a installé pour mieux camper ses personnages et ses situations à fort potentiel humoristique, horrifique ou les deux. Pourquoi voit-on dans la première scène un type se faire défenestrer et briser la jambe comme une allumette ? Pour mieux retrouver ce protagoniste avec son plâtre aux allures de Robocop, seul dans sa voiture et incapable d’en actionner les pédales, réduit à braquer les automobilistes qui ne veulent pas s’arrêter pour lui venir en aide.
On passe ainsi les plus de deux heures de film à sympathiser avec les personnages que nous présente Wolfgang Murnberger, les plus gentils comme les plus patibulaires. A commencer par son personnage principal, Simon Brenner. Un anti héros, mou du genou, grincheux et pas causant, qui nous prouve au fur et à mesure qu’il a de la ressource pour résoudre l’énigme, mais surtout – ce qui semble beaucoup plus intéresser le réalisateur – pour être heureux. Les rôle de second plan les plus infimes sont traités avec la même finesse, donnant au film des airs de polars d’une Fred Vargas dans ses moments les plus inspirés.
Si le film dégoutera les amateurs les plus tenaces de viandes en sauce et de poulet grillé – devinez où finissent les cadavres mentionnés dans ce titre raté, et surtout devinez qui a le droit à pléthore de gros plans – il fait preuve en réalité d’autant de poésie que de mauvais goût. Les scènes gores sont habilement encadrées de moment intimes et délicats, qui font prédominer le bien-être au malaise au sortir du film.
Vous l’aurez compris, je suis séduit par ce film malgré ses quelques longueurs, et je le recommande chaudement, surtout aux lecteurs de bêtises policières comme je le suis.
Retrouvez ici la critique de Rob Gordon