Après "Belle du seigneur" (petite cousine de Madame Bovary ?), magnifique roman d'Albert Cohen sur la passion amoureuse et satire sociale, le "Livre de ma mère" est un hymne à l'amour maternel qui vient signer un deuil douloureux. Que celui qui ne sait pas ce qu'est une mère juive se plonge tout de suite dans cet ouvrage lourd de tendresse et d'humour. Livre autobiographique mélant une écriture aux accents tragiques, parfois lyriques, et une ironie tendre sarcastique, le Livre de ma mère traite des thèmes de la hantise de la mort, du sacrifice maternel jusqu'à l'abnégation, des regrets...
Extraits :
"Mon fils, explique-moi ce plaisir que tu as à aller à la montagne. Quel plaisir, toutes ces vaches avec leurs cornes aiguisées, avec leurs gros yeux qui vous regardent ? Quel plaisir, toutes ces pierres ? Tu risques de tomber, alors quel plaisir ?"
...
"Mon coeur tremble comme un petit oiseau quand je vois ces skis dans ta chambre. Ces skis sont des cornes du diable. Se mettre des yatagans aux pieds, quelle folie ! Ne sais-tu pas que tous ces démons skieurs se cassent les jambes ? Ils aiment cela, ce sont des païens, des inconsidérés. Mais toi tu es un Cohen, de la race d'Aaron, le frère de Moïse notre maître. Je lui rappelais alors que Moïse était allé sur le Mont Sinaï"..."elle m'expliqua que le Sinaï n'était qu'une toute petite montagne, que d'ailleurs Moïse n'y était allé qu'une fois, et qu'au surplus il n'y était pas allé pour son plaisir mais pour voir Dieu."
"Et dis-moi, mes yeux, cette situation que tu as en ce Bureau International du Travail, comment s'appelle t-elle, cette situation ? (Attaché à la Division Diplômatique). Par conséquent, les douaniers ne peuvent rien contre toi ? "..."Si ton grand-père de bonne mémoire, qu'il repose en paix, si ton grand-père vivait, comme il serait content !"
Ce livre est un régal.
"Dis-moi, mon enfant, ne penses-tu pas que ce serait une bonne chose que tu ailles faire une petite visite au grand rabbin ? Il connaît de bonnes jeunes filles paisibles, bonnes maîtresses de maison. Cela ne t'engage à rien. Tu les vois, si elles ne te plaisent pas, tu remets ton chapeau et tu t'en vas."