Magazine Culture
De ma fenêtre, j'aperçois la lisière du Parc. Il m'arrive parfois de percevoir, portés par le vent, des
messages de certains de ses occupants. Chants d'oiseaux, brames de cerfs, feulements et rugissements.
Depuis qu'un espace, recréant une savane africaine, a rendu un peu de liberté à certains des animaux, je
m'y promène avec moins mauvaise conscience. C'est là que je l'ai vue, assise sur un banc, face aux grues cendrées. Elle semblait absolument hermétique au monde qui l'entourait. Des enfants se
bousculaient autour d'elle, en criant, essayant d'attraper une poule d'eau égarée sur les planches. Elle ne déviait pas son regard, fixé sur le plan d'eau, de l'autre côté de la barrière de
protection. Elle avait l'air délicieusement absente. Vêtue d'un tailleur bleu pâle, les mains gantées de blanc, elle agitait d'un air las un éventail rose et blanc.
En cette fin d'après-midi d'été, épuisée par la chaleur, je ne rêvais que d'une seule chose, presque
obsessionnellement, rejoindre les grues cendrées, m'ébattre dans l'eau qui s'étirait, là-bas, rien que pour elles, en vagues souples. Arrivée à hauteur de l'inconnue, je ne pus m'empêcher de
sourire. La petite poule d'eau avait trouvé refuge sous le banc. Echappant aux enfants turbulents, elle se tenait entre les deux pieds immobiles, attendant un moment plus propice à son envol. Je
contournais alors le banc pour ne pas les déranger. Quand je me suis retournée, il n'y avait plus d'inconnue, elle avait disparu. Je n'ai pas cherché à la retrouver.