« On a toujours fait ainsi ». Cette formule, à laquelle on peut ajouter « Pourquoi voulez-vous que ça change ? » résume assez bien tous les empêchements au changement et justifie toutes ses résistances induites.
C’est certainement cette fameuse formule magique, génératrice d’immobilisme et de conservatisme, qu’ont dû utiliser les francs-maçons du Grand Orient de France lors de leur récente convention annuelle quand ils ont refusé, par un vote démocratique, à 56 %, l’initiation aux femmes. Bien sûr, rien n’empêche aujourd’hui les « sœurs » de visiter les ateliers de la rue Cadet et de participer à leurs travaux, mais l’affiliation féminine dans cette obédience n’est pas encore d’actualité.
Les « frères » tiennent à rester entre hommes, comme dans un vieux club anglais. La Constitution d’Anderson qui date de 1723 et qui est à l’origine de la franc-maçonnerie, impose que les membres de la loge ne soient « ni serfs, ni femmes, ni hommes immoraux ou scandaleux. » Pas de femme, pas de sexe, pas de rapport de séduction entre des genres opposés, et pourtant complémentaires, qui pourraient nuire à la fraternité.
On peut s’étonner néanmoins que l’obédience la plus nombreuse en France qui a fait de la devise républicaine « Liberté, Egalité, Fraternité » son engagement permanent, et qui rate rarement une occasion de promouvoir la parité et l’égalité entre les sexes, s’accroche désespérément à des règles tricentenaires et quelque peu désuètes au XXIème siècle. Le journal Le Monde se demande si « le Grand Orient ne risque pas de devenir le conservatoire d’une masculinité d’un autre âge, régressive ou rétrograde. »
Cette institution, souveraine et progressive, ne pourra pas repousser éternellement la « moitié du ciel » sous peine de s’enfermer dans une rhétorique étouffante. La mixité, repoussée il y a quelques années à 71 % ne l’a été cette année qu’à 56 %. Malgré toutes ces résistances d’arrière-garde, le changement semble en marche.
Pierre Zimmer