Deux étudiants en médecine à Paris, Eugène et Marcel, sont amis malgré leurs caractères opposés. Eugène est timide, travailleur et chaste, Marcel, plus âgé, est un bon vivant, chahuteur et insouciant. Eugène ne sort jamais et passe son temps à rêver, Marcel mène une vie de bohème, le soir, dans les cafés à la mode et les théâtres. Bientôt, grâce à la conspiration de ses amis, Eugène est amené à rencontrer des jolies grisettes, rieuses, insouciantes et frivoles. Il est surtout attiré par l’une d’elles, Mimi Pinson, qui chante comme l’oiseau. Ce sont des petites mains qui travaillent pour les grands couturiers. Elles sont pauvres et la protection sociale n’existe pas encore, mais elles sont fières, font toujours bonne figure et sont toujours prêtes à chanter et à danser. C’est ce qu’elles font un fameux soir
organise une grande fête : on chante, on boit, on rit. Mimi casse une assiette et, en se servant des morceaux comme de castagnettes, chante sa fameuse chanson, la chanson de Mimi Pinson. On se sépare au matin.
Eugène, en rentrant chez lui, tombe sur une amie de Mimi qui se traîne dans la rueet semble bien malade. Il l’aide à rentrer chez elle et ouvre la lettre qu’elle lui a demandé de poster à sa place. Il découvre qu’elle y demande l’aumône à un certain baron.
Elle n’a même plus de quoi se nourrir et meurt littéralement de faim. En secret, il lui fait remettre de la nourriture et emprunte de l’argent à un usurier pour aider la pauvre fille. Marcel, son ami, cherche à l’en dissuader et se moque de lui, en vain, car Eugène, très croyant, veut aider son prochain.
Chez le barbier devenu usurier, il aperçoit la robe de Mimi, celle de la chanson, qu’elle vient de mettre en gage. Il la croise dans la rue, revenant de sa messe matinale. Elle n’est vêtue que d’un jupon et d’un vieux rideau lui servant de châle. Emus, les deux amis, Marcel et Eugène, rachètent sa robe qu’elle remet aussitôt pour aller secourir son amie.
Les étudiants la quittent pour suivre leurs cours mais le soir, en passant devant le célèbre café Tortoni très à la mode, ils surprennent les deux jeunes filles assises à la terrasse et riant
aux éclats. Eugène est épouvanté devant une telle insouciance mais Marcel termine le conte sur ces paroles :
« Je t’en prie, quand tu diras du mal des grisettes, fais une exception pour la petite Pinson. Elle nous a conté une histoire à souper, elle a engagé sa robe pour quatre francs, elle s’est fait un châle avec un rideau ; et qui dit ce qu’il sait, qui donne ce qu’il a, qui fait ce qu’il peut, n’est pas obligé à davantage. »
La grisette est alors une figure de la vie parisienne ; c’est une jeune ouvrière pauvre, coquette et galante. Les «Scènes de la vie de bohème» de Henry Murger parurent en feuilleton dès 1845, évoquant des personnages réels connus du public parisien.
La Bohème de Puccini, un des plus célèbres opéras, fut adaptée par la suite, en 1896 de la pièce de Murger. On y trouve, de nouvelles grisettes, Mimi, Musette, aussi insouciantes, touchantes et malheureuses que Mimi Pinson !
La morale du conte est conservatrice et ne remet pas encore en cause l’ordre social. Pour la jeunesse, la bohème n’est qu’une étape transitoire où s’opère une véritable sélection sociale ; les faibles et les idéalistes meurent, ne survivent que ceux qui savent se compromettre. Mimi Pinson est une œuvre écrite l’année même de « Il faut qu’une porte soit ouverte ou fermée. »
Mimi Pinson, profil de grisette, conte de Alfred de Musset (1810-1867) (Librio), 31 pages, écrit en 1845, ouvrage composé pour « Le Diable à Paris » En 1958, un film de Robert Darène s’est inspiré de ce conte
La chanson de Mimi Pinson de Alfred de Musset (1845)
Mimi Pinson est une blonde,Mimi leur fait mieux la leçonQu'à la Sorbonne.Il ne faut pas qu'on la chiffonne,La robe de Mimi Pinson.Mimi Pinson peut rester fille,Si Dieu le veut, c'est dans son droit.Elle aura toujours son aiguille,Landerirette !Au bout du doigt.Pour entreprendre sa conquête,Ce n'est pas tout qu'un beau garçon :
Mimi n'a pas l'âme vulgaire,Mais son coeur est républicain :Aux trois jours elle a fait la guerre,Landerirette !En casaquin.A défaut d'une hallebarde,On l'a vue avec son poinçonMonter la garde.Heureux qui mettra sa cocardeLa chanson de Mimi Pinson de Alfred de Musset (1845)
La maison de Mimi Pinson par Utrillo