Le gouvernement français a fait revenir la France dans l’OTAN.
Quelques mois plus tard, on parle d’accords entre la BNF et Google pour la numérisation de ses collections. Au grand dam de Jean-Noël Jeanneney, ancien président de ladite BNF (et surtout promoteur de la base Gallica /Europeana), qui, durant l'été, parle de « tête à queue » et de certains professionnels qui s’émeuvent.
Que s’est-il passé ? Et pourquoi diaboliser Google ?
Invité de Frantz-Olivier Giesbert dans son émission « Le dernier mot » vendredi 4 septembre sur A2, le nouveau ministre de la Culture, Frédéric Mitterrand, a tenté l’apaisement en contestant la formule employée par le journaliste selon laquelle Google voulait « mettre la main » sur les collections de la BNF.
Il est vrai que les méthodes employées jusque là laissent sceptiques. J’ai moi-même fait l’étrange découverte de voir sur le site Google, au rayon des livres numérisés, ma thèse d’Ecole des Chartes sur « Henry Arnauld, évêque d’Angers au XVIIe siècle » et publiée en 1982. Je n’ai évidemment jamais été contactée. Aucune autorisation ne m’a été demandée. On peut contester le procédé puisque l’ouvrage est toujours en vente en librairie. En même temps, si cette numérisation le rend plus accessible…
Au demeurant, un énorme procès planétaire est en cours concernant des milliers d’auteurs vivants et des sociétés de défense de leurs droits : retrait, pas retrait etc…. les résultats seront intéressants.
La numérisation de collections anciennes à partir des fonds de bibliothèques relève d’un autre chantier : c’est l’utopie de la bibliothèque planétaire.
On sait que les Archives de France, faute de moyens propres, ont contractualisé dans les années 70 avec l’église de Jésus Christ des saints des derniers jours (les Mormons) pour microfilmer l’état civil et les registres paroissiaux, moyennant dépôt d’une copie dans chaque service d’archives départementales. Cet accord a permis quelques années plus tard des numérisations en nombre. Qui s’en plaint ?
Aujourd’hui, le sujet porte sur les ouvrages des bibliothèques patrimoniales. La Bibliothèque municipale de Lyon s’est lancée dans un accord avec Google. Du fait de l’existence d’un projet interne déjà développé par la BNF, les déclarations embarrassées de l’été passent pour un désaveu.
On soupçonne que la France ne serait pas capable d’aligner quelques dizaines de millions d’euros pour numériser, à sa façon, ses propres collections, c’est-à dire photographier chaque page de livre et les mettre en ligne. A l’heure où le déficit est annoncé à hauteur (est-ce bien le mot ?) de 100 milliards d’euros, c’est évidemment un problème. Mais est-ce de la fierté mal placée ?
Quelle honte y aurait-il à aller chercher un partenaire qui financerait en partie cet immense chantier ? La richesse n'autorise pas le laissez-aller.
Car de quoi parle-t-on ? D’un objectif simple : mettre en ligne pour le grand public les ouvrages « tombés dans le domaine public » et difficile d’accès par leur ancienneté, leur fragilité, leur « épuisement ».
Tout cela est noble et l’on ne voit pas pourquoi Google, à condition d'intervenir selon une charte contractuelle, n’accepterait pas les termes du contrat, s’il y trouve son intérêt.
On nous dit que ses choix relèveraient d’une culture américaine exclusive et abominable.
A titre d’exemple, j’ai pu « lire en ligne » cet été grâce à Google (même si ce n’est pas aussi confortable que des vrais livres) deux ouvrages de Balzac : « Ursule Mirouet » et les « Contes drolatiques » qui ne me paraissent pas vraiment « américains » ni dans leur contenu ni dans leur style.
Prenons donc des précautions, il en faut, mais ne crions pas au loup américain si la numérisation par une société d’envergure planétaire permet aussi une diffusion planétaire. Il s’agit plutôt de vérifier la pérennité de la solution technique adoptée, de reconnaitre les droits des auteurs et d'assurer les passerelles entre les bases de données.Après tout, les originaux sont dans les magasins de la BNF qui en est la gardienne. C’est elle qui a les "atouts", comme une superbe fiancée un peu désargentée.
Un mari se présente, Google ou un autre, finalement peu importe. Ce qui compte, c’est le protocole d’accord. Si Google apporte la dot, la mariée a quand meme le droit de réclamer des garanties et d'etre très exigeante. On n'a pas besoin de parler d'amour !Merci pour votre lecture ! Thank you for reading !