Foires aux vins ou vins de foire ?

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Dès septembre, nous allons découvrir comme chaque année les « offres exceptionnelles », les « prix défiant toute concurrence » et autres « lot unique » ou « quantités limitées » des Foires aux vins des Grandes Enseignes que sont Carrefour, Auchan, Leclerc, Intermarché, etc… Et tous, nous allons être tentés par l’incroyable et invraisemblable impact visuel qui nous cueillera bien malgré nous dès l’entrée du magasin. Des monticules de bouteilles lustrées, éclatantes dans leurs fourreaux de bois neufs ; des étiquettes qui font rêver (Grands Bordeaux, et quelques Grands Bourgognes, etc.) ; des prix barrés qui semblent enfin accessibles et, bien évidemment, pour ne pas vous laisser seul dans ce jeu de quilles de verre aux codes-barres millésimés, le guide des vins qui vous est gracieusement offert.En quelques pages bien marketées, les « coups de cœur » succèdent aux « prix découverte » puis aux « meilleures affaires », etc.

Et vous voici aussi scintillant que toutes ces bouteilles un soir de Noël ! Car Noël n’est qu’à quelques encablures, et ne vous inquiétez pas, on vous le fait savoir ! Entre les rayons se trouvent les foies gras, les gibiers cuisinés, les marrons glacés, les terrines et charcuteries de la France entière… Et les commerciaux qui vont avec ! Et vlan, en quelques minutes, le chariot est déjà rempli de moitié ! Et oui, car il faut en profiter ; il y a les vins que l’on va boire …jusqu’à Noël, et ceux que l’on va garder en cave, puis ceux que l’on va offrir, et puis ceux du nouvel an pendant que l’on y est ! Et puis… Trop tard ! Votre chariot a un taux d’alcoolémie bien supérieur au seuil toléré ! Votre conduite s’en ressent !

N’aurait-il pas été plus judicieux de réfléchir avant ? Car, finalement, qu’en est-il exactement de tous ces vins … qui viennent s’ajouter à tous ceux qui étaient déjà là ? Peut-on vraiment leur faire confiance, et réaliser de bonnes affaires ? A ce propos, qu’est-ce qu’une « bonne affaire » ? Un petit vin à petit prix ? Un grand vin à prix conséquent ? Oui etnon ! Oui, car, pour le premier, par exemple, des vins de coopérative à fort volume ont un taux de production moindre, et, grâce àl’accord passé avec le revendeur sur des milliers de bouteilles, les taux de rentabilité et de revente n’en sont que plus « alléchants » ! Non, car il y a de grandes chances pour que le breuvage vendu à  « un prix imbattable » ne soit guère l’oiseau rare auquel on s’attendait ! Les grands vins… Il est vrai que l’on trouve les plus grandes étiquettes Bordelaises, notamment, et de plus en plus de grands Bourgognes aussi ! Les prix sont effectivement très intéressants (ceux-ci fluctuant de façon indécente, toute l’année, dans le Bordelais !)."

Mais évidemment tout n’est pas rose et pour commencer, le millésime ; il est rare que ce soit un « très grand » millésime, et même un « grand » millésime ! Bon d’accord, je connais quelques grands crus qui se défendent très bien dans des années « dures » voire « austères ». Le problème majeur des foires aux vins des grandes enseignes, c’est la qualité de l’espace de stockage car, croyez-moi il suffit d’un regard pour comprendre qu’il est loin d’être satisfaisant, mais plutôt, a contrario, néfaste ! La lumière crue des néons est autant appréciée des vins, et plus particulièrement des vins blancs, que celle du jour de Dracula ! Et vous noterez que les vins les plus chers et donc, a priori, les plus qualitatifs, dignes d’une garde assurée, se trouvent en haut du perchoir sous l’irrémédiable attraction des néons ! Ils sont cuits d’avance, ou bien d’ici quelques semaines ! Certaines enseignes ont depuis quelques années recours aux caves à vins pour les très grands crus, et cela est un gage de très bonne et très stable conservation. Néanmoins, ce confort n’est offert qu’à une élite et ne concerne en rien l’abattage en ligne des foires aux vins !

Après la lumière, la température… et l’on revient à nos délicats néons, puis aux courants d’air divers et variés, à la proximité des rayons aussi froids que les aliments qu’ils conservent ! Bref, nous sommes très loin des normes de conservation idéale : pas de lumière, pas d’odeurs fortes ni de courants d’air, mais une aération hygiénique, une hygrométrie de 72% ; une température de 12 à 14°c à un degré près, et des bouteilles, rien que des bouteilles si possible !Une dernière chose encore : n’oubliez pas que  «  rien se créée, rien ne se perd » et les invendues de l’année précédente risquent de se retrouver rapidement dans votre chariot… Manque de « traçabilité », vous avez dit ?

Qu’à cela ne tienne, la « traçabilité » existe ! Elle est au domaine et sur votre bon de livraison. Elle est le cordon ombilical qui vous relie au vin.

"Salutations Bachiques donc !"

Christophe Guitard