Le jardinier a déposé sa bêche,
Il a frotté ses mains pleines de terre,
Puis est passé près des roses trémières
Pour se cueillir une pesante pêche.
Il a mordu dedans à pleines dents,
Et le jus a coulé dans la lumière
Sur son menton encore tout mouillé
De sueur chaude mêlée de poussière.
Il a levé son menton clair vers le ciel
Tout bleu sur le toit rouge des maisons
Et il a vu la dernière hirondelle
Faire des noeuds autour de son pignon.
Longtemps, il a regardé l’horizon;
Il a jeté le noyau de la pêche,
S’est essuyé de la main le menton,
Puis, souriant, il a repris sa bêche.
(Maurice Carême)