Comme s’il ne suffisait pas du gouvernement ! Mais j’ai bondi et bouilli d’indignation en lisant deux articles de Marianne au demeurant fort intéressants et que je ne peux qu’approuver sur la nécessité de «construire des idées et des oppositions» pour espérer battre Nicolas Sarkozy en 20012, parus dans le n° 637 (4 au 10 juillet 2009) le premier d’Alexis Lacroix «Debout les morts !» et «12 propositions» de la rédaction de Marianne.
Alors «où est le problème ?» diraient Amadou et Mariam…
Il tient en deux paragraphes… sur les retraités, forcément privilégiés ! L’un dans le premier article : «Dans cette lutte contre la pensée unique, deux éléments de clivage décisifs avec le sarkozysme se font jour : le creusement des inégalités – faute de justice fiscale, notamment – et l’avantage consenti aux vieux au dépens des jeunes générations – paupérisation de l’école, déficit public».
L’autre dans le second, appelant à de nouvelles fraternités et en particulier la fraternité générationnelle : «Cet effort de solidarité impliquerait pour commencer les personnes âgées, socle électoral de l’actuelle majorité et, à ce titre, préservées, bichonnées même»…
J’aimerais bien savoir quels sont les retraités que côtoient les journalistes de Marianne ! J’en connais beaucoup qui perçoivent comme moi 900 euros par mois… ou, au plus, 1200 euros – quel pactole ! - et qui ont tout autant bien du mal à «faire la soudure» d’un mois sur l’autre.
Sans même parler des «bénéficiaires» (?) du minimum vieillesse – porté à 676,81 euros le 1er avril 2009… si c’est ça «bichonner» les vieux, ça ne va pas chier très loin ! et si cela leur suffit pour voter encore pour l’UMP, c’est qu’ils sont vraiment cons de chez con.
Je peux prendre aujourd’hui les paris : j’ai toujours voté à gauche et si je reste à 62 ans une rebelle, il m’étonnerait qu’à 82 ans, 92 ans voire 102 ans si Dieu me prête vie aussi longtemps je vote un jour à droite. Cochon qui s’en dédie !
J’y ajouterais un passage extrait de L’Insurrection qui vient : «La rage de jouir des hordes de retraités ne supportera pas à plat ventre des coupes sombres dans ses rentes mensuelles, et ne peut que s’exciter davantage devant le refus du travail d’une large fraction de la jeunesse»… Putain ! Le mépris…
Ils sont tout à fait représentatifs de l’individualisme des jeunes générations : tout pour eux, rien que pour eux. La notion de solidarité leur est totalement étrangère. C’est pourtant grâce à l’effort de solidarité consenti des dizaines d’années par les anciens qu’ils ont vécu, fait des études, été soignés, etc… Il n’y a qu’un mot pour les définir : «génération égoïste» !
En tous cas, si c’est ce brûlot qui fait si peur au pouvoir, c’est franchement du dernier ridicule ! Il dit tout simplement que les jeunes refusent d’être embrigadés dans et par la société. Dans l’ensemble, j’y vois plutôt une resucée de ce qui paraissait dans les années 70, mélange d’Ivan Illich, «D’An 01» et de solidarités locales. Pas de quoi casser 3 pattes à un canard…
Tant que j’ai pu travailler, j’ai eu la chance d’exercer la profession que j’avais choisie. En connaissance de cause, infirmière n’étant certainement pas une sinécure. Métier éprouvant sur le plan physique autant que parfois moral. C’est devenu bien pire aujourd’hui.
Je conçois fort bien que des jeunes n’aient pas du tout envie de travailler ni de s’investir dans une quelconque entreprise, devenue de plus en plus «barbare»… Le phénomène n’est pas nouveau. Dans les années 70, j’ai connu beacoup de jeunes qui refusaient de travailler - mais ils vivaient souvent aux crochets des autres ! - soient merdonnaient tristement dans des boulots strictement «alimentaires»…
En témoigne également l’essai de Jean Rousselet «L’allergie au travail» (Le Seuil, Points, Actuel) qui date de 1974… dont la 4e de couverture résume bien la même interrogation que les auteurs de «L’insurrection qui vient» :
«Pourquoi travailler ? Pour obéir aux lois de la politique, de la religion et de la morale ? Pour dominer la nature, préparer son salut en “se faire en faisant ? Pourquoi pas, simplement, travailler pour vivre ?
En grand nombre les jeunes refusent cette sacralisation du travail dont notre culture occidentale est tellement pénétrée qu’elle y voit le meilleur ciment des sociétés et le principal facteur d’épanouissement personnel. Pour eux, il n’est déjà qu’une activité parmi d’autres, dépouillée de toute valeur transcendante»…
Je me suis d’ailleurs assez insurgée contre la notion de «culture d’entreprise» que l’on tenta de nous faire avaler dans les années 80…
D’abord, parce que «culture» et «entreprise» sont des notions absolument antinomiques, totalement irréduc-tibles l’une à l’autre et que l’entreprise est rien moins qu’un lieu où la culture puisse avoir droit de cité ! Cela supposait de surcroît une loyauté sans faille des salariés à l’égard de l’entreprise au moment même où le lien social dans l’entreprise commençait à se déliter pour atteindre aujourd’hui des proportions gigantesques : le salarié n’étant plus aujourd’hui qu’une simple «variable d’ajustement» - des profits – taillable et corvéable à merci et «jetable» dès qu’il a été pressé comme un citron.
Ensuite, il est intolérable de n’envisager l’être humain qu’en tant «qu’homo faber» car c’est à l’évidence d’une tentative d’aliéner les êtres humains au seul travail que cela procédait. Le salarié n’était supposé n’avoir d’autres centres d’intérêts que son travail auquel il devait se dévouer corps et âme, sans compter ni son temps ni sa peine.
Enfin, j’ai toujours pensé que le progrès technique n’avait de sens que s’il permettait d’accorder moins de temps au travail. Mais cela ne vaut bien entendu que dans une société qui sache limiter ses besoins au lieu de se lancer dans une course-poursuite productiviste qui m’a toujours semblé le comble de l’inutile.
J’ai également le souvenir d’une chronique de Fabrice Nicollino – en général mieux inspiré – dans Politis. Qui lui aussi reprochait aux retraités de vouloir défendre leur pouvoir d’achat. Ce qui lui valut au demeurant sa place de chroniqueur, devant le tollé déclenché… Etre écolo mais sans la fibre sociale, c’est aussi ce que je reprocherais aujourd’hui aux Verts et à Daniel Cohn-Bendit au sujet de la «taxe carbone» car ils ne comprennent pas que ce sont encore les plus pauvres qui vont morfler !
J’appartiens sans nul doute à la «horde» des retraités et j’ai effectivement la «rage»… Je ne vois pas comment je pourrais accepter des «coupes sombres» dans mes «rentes» mensuelles d’un montant déjà si rikiki… Sauf à nous faire crever plus vite encore. Quant à celle de «jouir» mieux vaut n’être comme moi guère matérialiste au-delà d’un petit confort modeste qui facilite la vie courante.
Je suis épicurienne au sens philosophique du terme. Apprécier le peu que l’on a. Mes vraies jouissances sont d’un tout autre ordre, plus intellectuelles et spirituelles et à l’égoïsme, je préfère l’amitié et le partage… Discuter entre ami(e)s autour d’un bon repas, s’émerveiller devant le lever du soleil ou un paysage. Les plaisirs les plus simples sont souvent les meilleurs.