« [Pour mon film], le schéma d’une mégalopole beaucoup plus vaste que celle que nous connaissons actuellement sera réalisée par Rem Koolhaas qui se charge de sa conception ; le travail est en cours et sera documenté ici au fur et à mesure de son avancement. »
Michel Houellebecq (propos tenus à la Biennale d’art contemporain de Lyon 2007)
Si j’avais entendu ces propos à l’époque, j’aurais tremblé en attendant l’adaptation filmique de La possibilité d’une île. Pensez donc ! Koolhaas et Houellebecq, main dans la main, pour designer la « métropole post-humaine ». Deux regards qui savent non seulement décrypter l’anonyme environnement globalisé du commerce et du loisir dans lequel nous baignons, mais aussi le détourner au service de leurs propres inspirations, de leurs voix qui parviennent à faire rimer clubs et hubs, playa bianca, Prada et Lufthansa. Deux regards où derrière le masque du provocateur perce, somme toute, l’œil du moraliste. Trop belle conjonction ? Attente forcément déçue d’un nouveau jalon dans la représentation de la ville contemporaine ? Résultat de la rencontre des deux titans : rien d’autre que ce morphing qui nous laisse à la fois sur notre faim et à la porte de la dite mégalopole :
Plutôt qu’une mégalopole visionnaire (qui sonne de toute façon inachevée), ce schéma n’évoque rien d’autre qu’un circuit imprimé en trois dimensions voire, pour ramener des références, un plagiat du déjà effrayant Plan Voisin de Le Corbusier en 1925. Je ne dis pas cela pour tirer sur l’ambulance d’un film décrié (et d’ailleurs pas si pire qu’on ne l’a dit). J’irais presque jusqu’à penser que l’échec du film rend presque la voix de son auteur plus émouvante, ou plutôt il est intéressant de voir, en passant de support en support, les inflexions de la voix houellebecquienne : incantatoire à l’écrit, ironiquement chuchotée en chansons, essoufflée au cinéma.
Non, je ne dis pas cela juste pour me moquer mais pour montrer que filmer de la pure géométrie peut aussi donner des résultats éminemment sensibles et surprenants. La preuve :
Performance de 555 Kubik - How it would be if a house was dreaming - 2009
Performance tout à fait à la hauteur des intentions de Khooellebecq. Performance qui délivre surtout la preuve que l'on peut arriver à faire danser l’architecture (qui plus est celle particulièrement austère dans le cas présent de la Kunsthalle de Hambourg - Oswald Mathias Ungers, architecte 2001), que l’on peut doter une façade rigoriste d’une troisième dimension nettement plus malicieuse, la preuve surtout que la géométrie la plus rigide peut se révéler d’une sensuelle malléabilité. Bel hommage, en tout cas, que la fantaisie rend à la rigueur.