Pourquoi certaines marques essayent de transformer leur visibilité en influence ? Comment réussissent-elles à inspirer confiance ? Pour tenter de répondre à mes interrogations, rien de mieux que l’analyse de cas pratiques et une immersion dans le storytelling.
Il y a quelques mois, pour les besoins d’une conférence sur les médias et réseaux sociaux, je me plonge dans une malheureuse présentation *, en « chassant » les success story et les faillites. Mes déambulations m’amènent à considérer, en outre, le « Waterblog » de Suez, le projet « Pour un monde qui change » de BNP Paribas, Danone Communities, Scott Monty chez Ford et ses Social Media Press Releases, Ben and Jerry’s, Jennifer Preston au New-York Times et Amber Naslund de Lonely Planet.
Réduire la distance et écouter
Ces marques ont intégré certains principes du manifeste Cluetrain, dont les deux règles suivantes :
- les marchés sont des conversations
- le lien (et plus généralement le Web) renverse la hiérarchie
Ce qu’elles essayent d’entreprendre, à travers leur immersion dans le Web social, c’est de réduire la distance qui les sépare des consommateurs, initiée par les médias dits « traditionnels ».
Seulement, en y regardant de plus près, on s’aperçoit que l’interaction, possible sur « Pour un monde qui change », Danone Communities ou encore le « Waterblog », n’est pas tangible. Les utilisateurs n’entrent pas en contact avec BNP, Danone ou Suez. Le nombre de commentaires est déplorable ! A contrario, sur un site e-commerce certes d’exception, Archiduchesse, le nombre de commentaires s’empilent. Les gens s’investissent, ils participent. L’auteur répond, remercie et anime. Ce qu’il sait faire, c’est écouter, converser. Tout dans sa posture offre de la liberté aux lecteurs.
Remplacer les logos par des personnages
Comme le dit Laurence Vincent, dans le livre « Storytelling, la machine à fabriquer des histoires et à formater les esprits » les marketeurs
« doivent abandonner le lexique du marketing traditionnel et se faire storytellers ; ne plus penser en termes de « plans stratégiques », mais concevoir la marque comme un récit et les « campagnes » publicitaires comme des « séquences narratives ». Ne plus parler de consommateurs, mais d’audience. Remplacer les logos par des personnages … ».
Steve Denning, gourou du storytelling management et ancien de la Banque Mondiale, le dit ainsi : « Une marque est essentiellement une relation ». Dans le même ordre d’idée, Chris Brogan estime qu’il est temps que les marques arrêtent de penser leurs ventes (à court terme) et débutent à penser en termes de « relationnel ». Son nouveau ROI (« Return On Investment ») fera en outre frémir les ardents publicitaires et webmarketeurs traditionnels puisqu’il le transforme en « Return On Influence », considérant implicitement que les affaires s’immiscent dans la sphère personnelle, laquelle devient un agrégat complexe de constructions sociales.
Une révolution culturelle
D’un point de vue culturel, il est clair que les médias sociaux ouvrent la voie à différentes questions :
- Face aux départements financiers, qui exigent des résultats toujours meilleurs sur des durées toujours plus courtes (le trimestre), comment les fonctions marketing et communication vont devoir réagir ?
- L’évangélisation va probablement devoir s’opérer dans les départements RH et financiers ?
- Comment les départements marketing, composés généralement de profils commerciaux (écoles de commerce, etc.), vont-ils faire cohabiter leur population avec des profils de communicants plus soucieux « d’entrer en relation », par nature moins court-termisme ?
Deviendront-nous tous, marketeurs et communicants, des bergers, dont l’objectif principal sera de nous rassembler en troupeaux de moutons ? Stéphane Distinguin, dans le livre Marketing 2.0 de François Laurent, parle de posture, cohérente, durable et sincère pour instaurer un dialogue personnalisé et contextualisé. L’humanisation des marques est-elle en place ? Ce que résume fort bien sur Techtoctv Gilles Misrahi lorsqu’il dit, en parlant du community manager, fonction d’ailleurs préconisée par le Groupe Reflect dans son livre blanc intitulé “Le marketing de l’attention”, qu’il n’y a pas de “fonction plus humaine” …
* Les storyspinners et autres gourous du sujet bannissent les présentations PowerPoint. En règle générale, ils préfèrent intervenir à l’oral autour de petites tables de quelques élèves. Fini les checklists, les présentations PowerPoint, les notes de services, place à la story !