crédit photo : World Economic Forum
Le jour des élections japonaises, j’ai failli écrire un billet sur le changement au Japon pour dire que je le trouvais nébuleux. Les Japonais ne semblent pas savoir où aller, ils rejettent un parti sans avoir aucune confiance en son remplaçant (DPJ), totalement inexpérimenté… Maintenant, je crois que les Japonais opèrent un complet changement de modèle ; que le DPJ a de sérieux atouts ; qu’il a un large consensus derrière lui.
- Le Japon était construit comme une machine d’exportation ultra-performante. Toutes ses forces étaient tendues vers cet objectif, comme une nation en guerre : parti unique de gouvernement, bureaucratie d’élite et grande entreprise (fort parallèle avec la France d'après guerre). Mais, après plus de 40 ans de succès, la machine a cafouillé. Il y a quelques années, le premier ministre Koizumi tente une réforme libérale, elle cause inégalités, laissés pour compte…, ce que la culture japonaise (une sorte de culture de classe moyenne universelle) ne peut accepter. Depuis, les réformes échouent, peut être parce que le gouvernement n’a pas le pouvoir de faire bouger parti, bureaucratie et grande entreprise, peut-être aussi (c’est une question que je me pose) parce que le dispositif ne peut faire que ce pourquoi il a été conçu.
- Ce que veut le nouveau gouvernement est une société solidaire : amélioration du système de sécurité sociale – plus généreux et qui dépendra de l’état non plus des grandes entreprises ; salaire minimum augmenté ; réduction ou suppression de l’intérim ; moindre dépendance des exportations et plus de la consommation interne ; écologiquement impeccable.
- Les atouts du DPJ sont importants : sans lien avec la bureaucratie ou avec un parti puissant et paralysé par ses habitudes, il n'est pas soumis aux mouvements de rappel qui ont certainement contraint ses prédécesseurs. Surtout, je crois reconnaître une technique classique de changement, utilisée notamment par IBM pour inventer le PC. Une organisation tend à faire toujours la même chose (initialement IBM était incapable de produire un PC, elle ne savait faire que de gros ordinateurs) ; pour sortir de ce piège, on demande à un « hybride » de créer l’innovation de l’extérieur. C’est comme cela que les fabricants de voitures japonais renouvellent les modèles qui ne se vendent plus : ils transforment de fond en comble leurs équipes de concepteurs en y plaçant des gens (souvent peu expérimentés) à qui doit ressembler la nouvelle voiture. C’est pour cela que je pense que le DPJ pourrait avoir un large appui, y compris, paradoxalement, de son opposition.
Compléments :
- La base de la réflexion : The vote that changed Japan, New bosses, Lost in transition.
- Innovation au Japon : NONAKA, Ikujiro, Toward Middle-Up-Down Management : Accelerating Information Creation, Sloan management Review, Printemps 1988.
- Sur IBM. CARROLL, Paul, Big Blues: The Unmaking of IBM, Three Rivers Press, 1994.