On parle beaucoup de bandes-annonces ces derniers temps, dans la promotion des livres : le marketing viral permis par les réseaux de partage de vidéos comme YouTube ou DailyMotion permet de contourner la difficulté de la publicité à la télévision pour les livres et d'assurer son propre marketing.
Avec plus ou moins de réussite, de talent, de brio ou même de moyens. Mais justement, ce ne sont pas ces derniers qui déterminent la qualité ni l'efficacité de ces clips. Ce serait plutôt l'envie que les auteurs peuvent avoir de développer l'outil vidéo et de parvenir à en profiter pour valoriser leurs ouvrages.
L'un d'eux, Nicolas Ancion, nous a dernièrement contactés pour nous faire part de son expérience dans le domaine, mais également des enjeux que cette nouvelle publicité peut offrir aux écrivains.
YouTube : du clip à la bande-annonce de roman, Nicolas Ancion
S'il paraît indispensable aux producteurs de cinéma de réaliser une bande-annonce pour chaque film qui sort sur grand écran, les éditeurs ne pensent pas du tout de la même manière pour la promotion des romans. Et cela s'explique aisément. Même s'ils adorent vendre à un studio de cinéma les droits d'adaptation d'un de leurs bouquins, les éditeurs sont avant tout des marchands de papier, pour ne pas dire des imprimeurs, comme ils l'étaient à l'origine. Dès lors, quand ils disent promotion, ils pensent impression et distribution. Ils fabriquent des marque-pages, des publicités dans la presse spécialisée, des affichettes, des feuillets à glisser dans d'autres livres, voire des présentoirs spécifiques pour les best-sellers. Ils ne sont à l'aise qu'avec du concret : des bouts de papier et de carton, qu'on peut livrer par camion dans toutes les librairies. Ils aiment les mots imprimés et les images immobiles. On finirait par croire que les images en mouvement et la musique leur font une peur ! Certains rappelleront sans doute qu'il est interdit, sur le territoire de la France, de faire de la publicité pour le livre à la télévision. Mais rien n'interdit de diffuser le même genre de contenu sur Internet, bien au contraire. C'est ce que j'ai choisi de faire et j'en suis bien content.
« Envoyer un message drôle pour signaler
la parution de mon livre »
Dès que j'ai discuté du lancement de mon roman L'homme qui valait 35 milliards avec mon éditeur, j'ai précisé que je voulais faire quelque chose sur Internet, une bande-annonce, un trailer, une aguiche, une accroche, peut importe le mot au fond. Je ne savais pas encore bien quoi, mais je connaissais déjà les objectifs : envoyer un message drôle à mes contacts et amis pour leur signaler la parution de mon nouveau livre. Ce que je souhaitais, à ce moment-là, c'était que les amis aient envie à leur tour de faire passer l'info à leurs copains. Créer du buzz, en quelque sorte. J'avais en tête l'idée d'un domino géant avec des livres (exploitée depuis par des éditeurs anglo-saxons) ou avec des Playmobils (pour l'allusion au titre de mon recueil de nouvelles Nous sommes tous des playmobils), qui aboutissait à la chute de mon nouveau roman.
J'ai travaillé avec une réalisatrice qui habite à deux pas de chez moi, Shani Grumbach d'Inga Production et, très vite, on a décidé de travailler avec les jouets des enfants et le décor naturel de ma maison : des playmobils, un kart à pédales et un train en bois ont envahi les escaliers. Mes enfants et ma femme ont servi d'animateurs (il en faut des prises pour filmer correctement la chute d'un bouquin ou l'animation image par image d'un bonhomme en plastique). Mon libraire, à Carcassonne, Mots et Cie, a accepté qu'on filme une scène devant sa boutique, j'ai écouté des dizaines de morceaux de musique sur le profil MySpace des copains pour trouver celui qui collerait parfaitement au roman et au petit film. Quand j'ai finalement trouvé le bon son (« Divana » par Senses), il a fallu fouiller le web pour trouver les coordonnées du producteur, celui qui pouvait me donner le feu vert.
Deux demi-journées de tournage et autant pour le montage. Trois versions successives, pour affiner le défilement des plans et leur interaction avec la musique. Enfin, la version finale, que l'éditeur approuve de suite. La mise en ligne est planifiée pour deux semaines avant l'arrivée du livre en librairie.
« 1400 vues, c'est bien plus que les copains
que je voulais prévenir »
On télécharge le film sur YouTube, je l'affiche sur mon profil Facebook, j'envoie une centaine de mails et, depuis, je regarde le compteur tourner. En trois semaines, on a dépassé les 1400 vues, c'est bien plus que les copains que je voulais prévenir. Une quarantaine de personnes ont partagé la vidéo sur leur profil Faceboook, elle a été insérée dans une dizaine de blogs. Elle continue de tourner, jour après jour, avec de nouveaux spectateurs. Dans les jours qui viennent, la bande-annonce sera diffusée trois fois à la télévision dans des émissions littéraires et au journal télévisé. Un beau succès.
La question intéressante étant de savoir de quelle manière ce petit court-métrage a pu aider les lecteurs à choisir ce livre en librairie par la suite. Je n'ai bien entendu pas encore de réponse à cette question, mais, comme le livre semble trouver sa place dans la rentrée littéraire, surtout en Belgique, mais aussi en France, j'ai bien l'impression que tous ces efforts n'ont pas été inutiles. Et puis, l'essentiel est là : on s'est bien amusé. Je serais prêt à recommencer : c'est dire !
Retrouvez le site de Nicolas Ancion