Clarissa Ravenstone, une jeune lady anglaise noceuse et désabusée, est invitée à séjourner au Caire chez Jean Roussel, un ami érudit et passionné d'art. Celui-ci l'introduit dans la haute société cairote, et l'encourage également à s'intéresser au patrimoine égyptien et à la vie quotidienne des gens du peuple. Habituée aux mondanités et aux conquêtes faciles, la jeune femme s'intègre sans difficulté dans un cercle brillant et cosmopolite. Désoeuvrée, elle décide de séduire Sélim Abdelmoneim, un homme marié, qui succombera à ses charmes. De cette liaison, aussi brève qu'intense, une belle amitié s'ensuivra, lorsque Sélim, très attaché à son épouse Nahwat, décidera de ne plus commettre d'incartades. Quant à Clarissa, elle ne tardera pas à s'éprendre d'Emmanuel Menken, un ami de Sélim, qui comme ce dernier cherche à faire entrer l'Égypte dans la modernité. Mais Emmanuel semble encore sous le charme de son amour de jeunesse, la ravissante et charismatique Marie Bichaï, une jeune femme copte mariée à un sexagénaire...
Confrontée à la réalité d'un pays en proie à la misère et partagé entre désir de modernité et souci des traditions, Clarissa prend conscience de sa condition d'oisive privilégiée. Elle décide de contribuer au développement de son pays d'adoption en ouvrant une fabrique d'artisanat textile. Les personnes qu'elle rencontre l'aideront à concrétiser son projet : l'architecte Fersac, dont elle doit repousser les avances, la jeune Louise Fersac, fille de ce dernier, qui se passionne pour l'Égypte et souhaite y exercer sa vocation de décoratrice, Sélim, homme d'affaires, Emmanuel, qui possède des plantations...
Un roman intéressant et stimulant, qui donne à connaître une Égypte moins connue que celle des pharaons, et pourtant plus proche de nous dans le temps. Il faut souligner l'habileté de la romancière, qui parvient à nous apitoyer sur le sort des riches privilégiés dont elle nous raconte l'histoire. On ne peut s'empêcher de plaindre cette infortunée Lady Ravenstone telle qu'elle apparaît au début du livre, désespérément belle, désespérément riche, désespérément noble, et dont l'élégante oisiveté révèle une profonde détresse. Et que dire de ces malheureux époux Abdelmoneim que leur rang social oblige à entretenir une vaste domesticité au détriment de leur intimité ! Dans le fond, ces gens simples ne demanderaient pas mieux que de trimer de leurs mains et de faire la vaisselle et le ménage comme tout le monde, mais que voulez-vous, la vie est dure...
Certains personnages, en revanche, manquent de crédibilité. Amina, la jeune soeur de Sélim, est excessivement immature, et je pense qu'il aurait mieux valu la rajeunir de quelques années. Concernant Jean Roussel, le vieil ami de Clarissa, qui comme on dit, "mange dans son verre", je n'ai pas bien compris, ni les raisons de son éthylisme, ni comment il fait pour tenir, physiquement et intellectuellement, sachant que l'alcool lui tient lieu de nourriture... Je trouve assez incongru d'éveiller l'intérêt du lecteur en attribuant aux personnages des comportements et des bizarreries sans se donner la peine de les développer et de les expliciter. Enfin, j'ai trouvé étrange le comportement de Klaus, un Allemand antinazi qui, en 1938, alors que son pays s'apprête à rentrer en guerre, décide de se rapatrier pour prendre l'uniforme, simplement parce qu'il a le sens de l'honneur et refuse de déserter. Un opposant à Hitler qui se met au service de ce dernier pour une question de principe, cherchez l'erreur...
Dominique Marny a également écrit "Jouez coeur et gagnez", "Darjeeling", "Ne disons pas au jour les secrets de la nuit", "Le regard du Sphinx", "Le Manoir", "Crystal Palace".