Je crois que si les choses ne changent pas, je vais changer le nom de MiniBri et la baptiser Jean-Pierre Fourras. Pourquoi ? Parce qu'en ce
moment, j'ai l'impression qu'elle est en pleine mutation génétique et qu'elle se transforme, peu à peu, en une créature hors norme qui serait issue de l'accouplement incertain de Jean-Pierre
Foucault avec le Père Fourras : Jean-Pierre Fourras.
Elle ne vit pas encore en haut d'une tour, affublée d'une cravate et d'un sourire hypocrite... mais, comme notre Jean-Pierre national ou notre Père Fourras, elle a toute une panoplie de questions
qu'elle enchaîne les unes derrière les autres : "môman, quand est-ce qu'on mange ?... quel âge tu as ?...qui c'est qui te téléphone ?... Et pourquoi le ciel il est gris ? Et pourquoi c'est
les vacances ?... Et pourquoi on est dimanche ?... Et pourquoi on va pas voir la Tour Eiffel ?... Et pourquoi je peux pas sortir toute nue dans la rue ?... C'est qui qui m'a acheté cet habit
?... "
Aaaaaaaaaaaaargh !
Stop !
Non, là, il va vraiment falloir arrêter. Ma santé mentale est en jeu. J'ai de plus en plus de mal à ne pas m'auto-détruire quand elle commence sa série de "Et môman, pourquoi...?". Je
sais par avance qu'il va y avoir une dizaine de questions, pour certaines déstabilisantes, et pour d'autres, dignes d'un cours de philosophie.
Malgré tout, j'essaie de prendre ma voie de douce maman pour essayer de lui répondre le plus sereinement possible : "Je prépare à manger, bientôt... 33 ans... Parce qu'il faut s'habiller,
pour sortir, ou on va attraper froid...". Je souris, je répète 245 fois la même réponse parce qu'évidemment, c'est plus la question qui l'intéresse que la réponse en elle-même.
Mais, à la 789ème question en dix minutes, mon côté mère imparfaite commence à pointer le bout de son nez. "Je n'en sais rien... Parce que c'est comme ça, je crois... Ben, tu sais, ce n'est
pas moi qui décide....". Là, déjà, on sent bien que la patience est en train de faire ses bagages pour s'en aller loin, loin... ou pour sauter dans le vide sans élastique ! (Olivier Minne,
retiens-moi !)
Et quand on arrive au joli score de 1500 questions avec seulement deux réponses écoutées, et deux "tu fais pipi ou caca ?" (comme je bénis le ciel de ne pas avoir d'amoureux à ce moment
précis !) et trois "pourquoi il marche pas le dvd", je lâche mon "Ca ne te regarde pas... Parce que c'est comme ça" sur un ton qui n'appelle pas d'autres questions... Mais
MiniBri s'en contrefiche royalement et continue d'égrener son chapelet de questions... mais avec un débit nettement supérieur à celui du Père Fourras. J'ai pensé à intégrer une clepsydre pour lui
laisser un temps où elle pourrait poser toutes ses questions, mais si c'est pour qu'elle termine en hurlant "sors, sors, sors !", j'ai préféré oublier...
Il ne me reste que l'arme ultime de parfaite mère indigne. Je ne fais pas appel à un ami, mais aux jokers que j'ai dans la maison : "Dis, MiniBri, tu n'as pas envie de jouer avec tes Pet Shop
/ de dessiner / de faire du vélo / de regarder un dessin animé ?". Oui, je sais, c'est petit, minable et mesquin, mais la sensation d'être dans un jeu télévisé face à Jean-Pierre Foucault ou
le Père Fourras ne me transporte pas de joie non plus... J'ai toujours peur que Passe-Partout ne surgisse de je ne sais où en brandissant des clés... ou qu'une musique qui fait peur se mette à
résonner chez moi....
En plus, allez savoir pourquoi, MiniBri est toujours prise d'une crise aigüe de questions existentielles quand je suis au téléphone. Je ne peux pas rester plus de cinq minutes à téléphoner sans
avoir un bruit de fond qui aligne les "pourquoi" et les "mômaaaaan".... Aaaaaargh !
Du coup, je suis en train de faire une véritable allergie au "Pourquoi ?".... Problème : je suis enseignante et ça fait partie des mots avec lesquels mes élèves commencent souvent une
phrase : "Hey, madame, pourquoi....". J'ai l'impression d'être poursuivie par ce mot que je supporte de moins en moins. Donc, je prends sur moi et je leur réponds. L'avantage, c'est
qu'avec eux, je suis à peu près sûre qu'ils ne me demanderont pas ce que je fais aux toilettes... encore que...
MiniBri est définitivement une petite fille comme les autres. Vers 3-4 ans, comme tous les enfants, elle devient curieuse et enchaîne les questions les unes derrière les autres... Même si ce
n'est pas toujours facile à vivre au quotidien, je sais que c'est une bonne chose et j'espère qu'elle gardera longtemps cette curiosité... mais si ça pouvait être autrement qu'en Jean-Pierre
Fourras, ce ne serait pas de refus !
En attendant, je sais qu'elle en a encore pour quelques temps à ce rythme-là... et moi, j'en ai encore pour quelques mois à avoir l'impression d'être dans un épisode de "Vis ma vie avec
Jean-Pierre Fourras".