La leçon de Jazz d'Antoine Hervé : Herbie Hancock
Paris. Auditorium Saint Germain. Jeudi 25 juin 2009. 19h30.
Antoine Hervé : piano, Fender Rhodes, Vocoder
François Moutin : contrebasse, guitare basse électrique
Louis Moutin : batterie
Véronique Wilmart : électro biglophone
La leçon de Jazz de ce soir était consacrée à Herbie Hancock, pianiste, claviériste, compositeur né en 1940 à Chicago. Je reprends ici ce que j'ai noté des propos d'Antoine Hervé. Les erreurs sont miennes.
Herbie Hancock est un grand compositeur de standards, précurseur dans le latino, le jazz rock, le hip hop, la techno. Il continue d'être le maître à penser de la génération hip hop et entamera en 2010 à 70 ans sa 6e décennie de carrière. Herbie Hancock a deux aspects : Jazz, Commercial.
Pour commencer « Dolphin Dance » une évocation de la Mer. Piano, contrebasse, batterie. Un morceau souple, subtil, swinguant, bref du Herbie Hancock. Après une journée chaude enfermé au bureau, ça nettoie la tête.
Formé au classique, Herbie Hancock joua du Mozart en soliste invité de l'Orchestre symphonique de Chicago à l'âge de 11 ans. Pour un Noir américain, en 1951, la performance est à saluer.
Herbie Hancock est aussi ingénieur du son, ingénieur informaticien. Il obtint son diplôme en 1971 après déjà dix ans de carrière professionnelle comme musicien.
Dès son premier album, il obtint son premier tube, « Watermelon man ». Il le rejoua dix ans plus tard en version funk électrique avec son groupe les Head Hunters. François Moutin passe à la basse. 3*4 mesures puis 5, 4, 3. Des mesures asymétriques dans le Funk, seul Herbie Hancock pouvait avoir cette audace le premier. Herbie joue au piano des accords de guitare. C'est un homme bien dans sa peau, relax. Sa musique donne une sensation de bien-être. Herbie aime rejouer ses thèmes dix - vingt ans plus tard. La rythmique est très en place, le piano très relax. La tension entre les deux crée le swing. Herbie Hancock a réussi à accorder des bouteilles de bière pour cette version de Watermelon Man ( à écouter sur l'album « Headhunters »). L'ordinateur de Véronique Wilmart, nommé électro biglophone en hommage au Biglotron de Pierre Dac, reproduit les bruitages de la version originale des Headhunters. La rythmique groove, bien en place et Antoine Hervé joue la main droite sur le Rhodes et la main gauche sur le piano. Un solo de piano pendant que la rythmique tient le groove. Effectivement, le contraste entre le relâchement du piano et la tension de la basse et de la batterie est saisissant. Le bruitage repart et le jeu sur deux claviers aussi.
Miles Davis embaucha Herbie Hancock en 1963. Le Free Jazz cassait les barres de mesure enlevant les accords et les harmonies. Herbie enlève les accords mais pas le tempo. Démonstration avec « Sorcerer » morceau d'Herbie Hancock qui devint le titre d'un album de Miles Davis et même un surnom de Miles Davis (avec « Prince of Darkness » autre titre du même album). Explication sur les chromatismes et les accords. Sans accord, on ne trouve plus la tonalité. Ils jouent une version nerveuse, sèche de « Sorcerer ».
Un autre thème d'Herbie Hancock « One finger snap » beaucoup plus complexe que son titre ne l'indique (« Un claquement de doigt »). Un morceau plus rapide, plus abstrait que « Sorcerer ». Ca trace.
Herbie pouvait mener en même temps dans les années 1970 un groupe électrique (Headhunters) et un groupe acoustique (VSOP : Very Special One Performance où Freddie Hubbard remplaçait Miles Davis à la trompette, groupe qui joua plus d'une fois, contrairement à son nom). Herbie fut vilipendé par les puristes mais il s'en fiche.
Démonstration avec « Actual Proof ». Morceau particulier dans les mesures, dans la façon de faire sonner les riffs. Les frères Moutin s'éclatent à jouer funky. Pas de clavinet mais du piano. Ca ne fait pas les mêmes effets. Jeu très staccato du piano comme indiqué par Antoine Hervé.
Herbie écrit de façon populaire, simple, mais toujours personnelle. « Maiden Voyage » répète une figure rythmique. Une série continue de croches : 2, 3, 6, 2, 3 ; Thème avec une intervalle de quartes. Cette répétition crée un climat particulier. « Maiden Voyage » un album qui évoque la Mer. La musique est acoustique, fraiche, légère, aérienne comme une Invitation au Voyage de Charles Baudelaire. Solo de François Moutin qui allonge les notes, les fait durer à plaisir.
Le jeu d'Herbie Hancock est influencé par les impressionnistes français (Debussy, Ravel) et les Russes (Rachmaninov, Scriabine).
« Eye of the hurricane » est un morceau inspiré par le jeu de batterie de Tony Williams. Après les explications, démonstration. Effectivement, c'est très complexe rythmiquement.
Véronique Wilmart revient face à son ordinateur. Herbie a écrit des tubes planétaires « Future Schock » et « Rock It ».
L'ordinateur passe « Rock It » et Antoine improvise dessus au Fender. Démonstration du Vocoder par Antoine. Contrebasse et batterie le rejoignent.
« Chameleon ». Fender, basse et batterie. Ca groove moins que l'original mais ça groove.
Herbie a toujours été au carrefour des musiques. Il n'a jamais voulu se laisser enfermer dans un genre.
« Cantaloupe Island » retour au trio piano/contrebasse/batterie. Après le groove, le swing. Encore et toujours, la Mer éternelle et sans cesse recommencée.
Concert d'improvisation du groupe « Pierre et Marie Tuerie »
Après la leçon, l'improvisation.
Véronique Wilmart travaille avec l'électro acoustique. L'ordinateur est un nouvel instrument. Antoine Hervé nous explique l'échantillonnage. Du bruit on passe au son. Il faut accorder ces bruits pour en faire du son. D'un verre en cristal frappé, en ralentissant d'octave en octave, on obtiendra un gong. Aux musiciens de s'accorder avec l'ordinateur pour les harmonies et les rythmes.
J'entends des bruits de verre, d'eau, de métal. Le groupe la rejoint. Louis Moutin joue à mains nues sur sa batterie. C'est toujours là qu'il est le meilleur. Son de contrebasse plein, profond qui se détache des notes aigues de l'ordinateur. Retour à « Watermelon Man » au piano, une version revisitée, rafraîchie, rajeunie. Herbie Hancock peut être fier de ces petits Frenchies qui lui rendent hommage.
Antoine Hervé s'amuse à sortir un son de guitare wah wah de son clavier. Il y ajoute sa voix au Vocoder. Le groupe reprend un air léger, dansant entrecoupé de sons électroniques étranges. Beaucoup de bruits d'ea en arrière plan. Petite citation de Thelonious Monk au Fender. Ca marche. Bataille entre le piano et l'ordinateur.
C'était la dernière leçon de Jazz d'Antoine Hervé pour la saison 2008-2009. La prochaine aura lieu en octobre 2009 avec Médéric Collignon, trompinettiste et vocaliste et sera consacrée à Louis Armstrong. Celle de novembre 2009 sera consacrée au groupe Weather Report avec Stéphane Guillaume, saxophoniste. Celle de décembre 2009 au pianiste Keith Jarrett.