Une bande-annonce rigolarde qui compile d’entrée les meilleures répliques, une affiche clinquante qui proclame « le coup de cœur du festival de Cannes »… : faire la promo d’un film en usant d’aussi grosses ficelles, n’est-ce pas déjà révéler un peu le contenu de celui-ci ? A dénoncer trop frontalement un certain nombre de préjugés à l’encontre du monde arabo-musulman, Amerrika lui-même n’échappe pas aux clichés.
Posons d’abord le décor. « Amerrika », c’est probablement la façon dont Mouna, mère divorcée palestinienne, écrirait le nom de ce pays vers lequel elle et son fils Fadi vont émigrer. Celle-ci ne supporte en effet plus que difficilement son quotidien, et notamment les humiliations subies aux check-points de l’armée israélienne. Aussi saisit-elle l’opportunité qui lui est offerte de rejoindre une partie de sa famille, installée dans l’Illinois, et d’offrir à Fadi des perspectives scolaires plus nobles. En Palestine, Mouna a une situation confortable et Fadi est un élève sérieux. Aux Etats-Unis, il en va différemment…
Mère et fils vont ainsi chacun de leur côté faire l’expérience difficile de la minorité ethnique, dans un pays qui prône la tolérance mais se l’applique au final assez peu à lui-même, et cela en particulier dans un contexte de guerre contre l’Irak. Son traitement médiatique laisse à désirer, et permet tous les amalgames. « Tous les arabes sont des musulmans, et tous les musulmans sont des terroristes, donc tous les arabes sont des terroristes » : le raisonnement est classique et exposé une fois de plus, pour être démonté… Mais était-il bien nécessaire d’être aussi didactique dans le propos comme dans la forme ? Fallait-il vraiment esquisser une amourette entre un juif et une palestinienne ? Était-il en outre très pertinent d’évoquer l’Amérique via ses fast-foods et le thème sous-jacent de l’obésité ?
La réalisatrice Cherien Dabis, dont il s’agit ici du premier long métrage, en montre toujours un peu trop, et frise régulièrement l’insulte à l’intelligence de son spectateur. Elle n’hésite pas non plus à souligner bon nombre de scènes par des thèmes musicaux pas vraiment indispensables voire carrément lourds (il n’y a qu’à voir la surenchère de titres au générique). Tout juste évite-t-on l’écueil du larmoyant puisque, et c’est cette fois à mettre à son crédit, Amerrika ne sombre jamais dans le pathos pur et dur.
C’est que l’on est ici dans une comédie douce-amère(ika) qui parle d’identité, d’intégration, de différence, et tente tant bien que mal de délivrer un message. Pas complètement con et emprunt de petites touches d’humour, le film manque toutefois singulièrement de finesse. Il est à l’image de son personnage principal souriant, mais à l’anglais très imparfait : il a de l’ambition, mais les moyens lui manquent au fond cruellement. Reste une distribution impeccable, avec une Mouna (Nisreen Faour) enthousiasmante et qui porte véritablement le film, ainsi que la présence remarquable de Hiam Abbass (Munich) et de quelques jeunes acteurs des plus convaincants.
Amerrika et Mouna ont en fait les mêmes qualités et les mêmes problèmes, et sont pour cette raison également attachants et désespérants. On se retrouve au final face à un film « grand public » louable dans le fond, mais très décevant dans la forme. Or au cinéma comme ailleurs, l’un ne peut aller sans l’autre : la vie est dure pour les naïfs…
Bande-annonce du film (Dailymotion)
Crédits photos : © Memento Films Distribution